L’aide-cuisinier (contribution du Dr Marc Moens)

26 septembre 2016

Dans Mediquality, le Dr Moens a récemment réagi sur la proposition consistant à faire reconnaître un titre d'aide-médecin: "J’ai avalé mon potage de travers ce samedi midi en l’entendant annoncer au cours du bulletin d’information de Radio 1 Nieuws (1) que l’Académie Royale (néerlandophone) de Médecine de Belgique envisageait de déposer une proposition en vue de permettre la reconnaissance du titre d’aide-médecin" !

 

BRUXELLES 26/09 - Non, vu le sérieux avec lequel le Professeur Bernard Himpens a annoncé la nouvelle, il ne pouvait s’agir d’une plaisanterie. J’ai avalé mon potage de travers ce samedi midi en l’entendant annoncer au cours du bulletin d’information de Radio 1 Nieuws (1) que l’Académie Royale (néerlandophone) de Médecine de Belgique envisageait de déposer une proposition en vue de permettre la reconnaissance du titre d’aide-médecin !


Une telle proposition exprimée sans ménagement a de quoi surprendre venant de la bouche-même du président de la ‘Koninklijke Academie voor Geneeskunde van België'(KAGB, l'institution néerlandophone équivalente à l'Académie Royale de Médecine de Belgique), président de l'examen d'entrée pour les études de médecine et de dentisterie en Flandre, professeur extraordinaire et chercheur à la KU Leuven, directeur général de la Mariaziekenhuis d'Overpelt et ancien doyen de la faculté de médecine de la KU Leuven.

Cette intervention était d'autant plus frappante que ce même président de l'Académie royale avait proposé publiquement quatre jours avant, trois avis à propos des stages et des spécialisations en pénurie en médecine et en dentisterie.  

 

On entendit alors de passionnantes explications académiques à propos de la manière dont le pouvoir d'attraction des spécialisations en pénurie pouvait être renforcé, là où existait des carences absolues (en gériatrie, par exemple) et relatives (uniquement dans les hôpitaux, par exemple en pédiatrie) et aussi où se situaient les disciplines pour lesquelles on formait de toute évidence trop de médecins-spécialistes. L'avis n'indique cependant pas que cette dernière catégorie d'assistants (en radiothérapie, en cardiologie, en néphrologie, en diagnostic radiologique médical et en chirurgie, pour les énumérer ici) est surtout nécessaire pour fournir aux très grands services une main d'œuvre bon marché.  

 

Un point particulier est consacré aux mesures qui devraient être prises pour accueillir en 2018 la double cohorte d'étudiants en fin d'études. Cette double promotion d'étudiants aura d'ailleurs beaucoup de mal à trouver un lieu de stage de qualité et des maîtres de stage ayant les compétences nécessaires. Ou il faudra alors les orienter davantage en dehors du secteur curatif classique, comme par exemple (je cite) : « la médecine sociale/soins de santé sociaux, l'industrie (pharmaceutique), la recherche et l'enseignement, les services publics, les ONG, la défense. »

Alors que personne ne sait aujourd'hui où cette double cohorte de médecins pourra accéder à la formation professionnelle, ni comment cette formation sera financée, voilà que les aides-médecins nous tombent soudainement du ciel. Du moins du ciel flamand seulement car je n'ai pas (encore) connaissance d'une demande de l'Académie Royale de Médecine de Belgique en vue de la création de postes « d'aides-médecins ». Ce sont cependant avant tout les politiciens francophones qui se plaignent à qui veut l'entendre – injustement, à mon avis – de la pénurie de médecins. Ces aides-médecins seraient appelés à effectuer les anamnèses. Les médecins verront-ils dès lors leurs tâches limitées à la rédaction des prescriptions, des attestations et à la mise à jour du fatras administratif ? Et les disciplines chirurgicales devront-elles se contenter de couper, non pas avec, mais comme un robot ?

 

Les universitaires médicaux flamands veulent-ils abuser de l'occasion de la révision de l'ancien AR 78 de 1967, transformé en loi coordonnée du 10 mai 2015 portant sur l'exercice des professions des soins de santé, pour créer encore dare-dare une nouvelle profession ? L'aide-médecin, mais alors sans examen d'entrée ?

 

Depuis septembre 1999, soit deux ans après l'introduction de l'examen d'entrée en médecine, les facultés flamandes de médecine organisent ce qui était alors une "nouvelle" formation de base : les sciences biomédicales (BMW)(2). Cette initiative fut présentée comme une possibilité de fournir aux étudiants une large formation dans les domaines de la recherche biomédicale, dans l'industrie de la recherche, l'industrie pharmaceutique ou encore l'industrie médicale.

 

Près d'un quart de siècle plus tard, les universités constatent que ceux qui ont suivi cette formation en sciences biomédicales, les ‘BMW', ont bien du mal à trouver leur place sur le marché de l'emploi et elles veulent en faire des aides-médecins. Est-ce que cela fait partie des attentes de la population ? Je ne le pense pas. Le recteur de l'UGent, notre collègue Anne De Paepe a bien le droit d'estimer au début de l'année académique que : « Les inscriptions sont importantes… Les diplômes le sont encore plus (3)." Et permettez-moi d'y ajouter : un peu de pertinence sociologique serait la bienvenue.

 

Les mutuelles créeront-elles bientôt des cours de médecine inspirés des livres de cuisine et verra-t-on les universités flamandes assurer la formation d'aides-cuisiniers ? Et les médecins ?   

 

Dr Marc Moens

Président de l'ABSyM

 


(1) Zaterdag 24.09.2016, 13u00, Radio 1 nieuws 

(2) Campuskrant , Jaargang 10 nr. 04; 25 februari 1999.

(3) De Standaard 24/25.09.2016

MediQuality offre à ses membres la possibilité d'exprimer leurs opinions sur des sujets médicaux et/ou d'actualité. Ces opinions reflètent l'avis de leur auteur et n'engagent qu'eux. Cette contribution ne peut pas être utilisée sans la permission préalable écrite de l'auteur. Pour toute demande, contactez la rédaction via info@mediquality.net

À propos de l'ABSYM

Nous défendons une médecine libre avec un modèle de rémunération à l'acte, complétée par des forfaits.
Par exemple, en médecine générale, nous défendons toutes les formes de pratique et pas seulement les pratiques de groupe multidisciplinaires comme nos concurrents.

Le médecin généraliste solo doit pouvoir garder sa place.

En ce qui concerne les spécialistes, nous défendons tous les spécialistes y compris ceux qui exercent en dehors de l'hôpital.