« Je ne sais pas si je choisirai moi-même d’être euthanasié » (réaction du Dr Moens aux propos du Pr Distelmans)
BRUXELLES 27/11 - Discussions éthiques et interviews à la chaîne dans les médias ces dernières semaines. Het Laatste Nieuws publiait ce samedi 23 novembre une interview de Wim Distelmans (« Je ne sais pas si je choisirai moi-même d’être euthanasié ») ; en parallèle était publié dans le journal De Morgen un entretien avec Alicja Gescinska (« La vie et la mort méritent un débat serein »).
Le Pr Distelmans multiplie les platitudes. Dans son intervention, les médecins laissent leurs patients crever comme des chiens ou mourir de soif et de faim sous le regard de leurs proches. Toutes les semaines, des malades lui demandent en consultation s'ils seront encore, la prochaine fois, en mesure d'exprimer leur volonté. Euh… une consultation hebdomadaire chez le Dr Distelmans, professeur émérite ? Celui-là même qui estime que si votre arthrose vous empêche d'aller faire vos courses et votre manque de concentration de regarder la télévision, vous êtes polypathologique et bon pour la casse – pardon, pour l'euthanasie ?
Depuis son apparition dans le programme de télévision flamand « Alleen Elvis blijft bestaan » (« Seul Elvis survit », NdT), Wim Distelmans ne mâche plus ses mots. Face au constat qu'on ne dégage pas suffisamment de moyens financiers pour des soins aux personnes âgées et des soins palliatifs dignes de ce nom, l'euthanasie est pour lui une solution défendable. L'economy-based medicine poussée à l'extrême. Cela dit, même si ces soins devaient être parfaits, il estime qu'il faudrait être en droit de donner un coup de pouce à toute personne qui souhaite mettre fin à ses jours.
S'agissant d'autoriser sans trop d'histoires l'euthanasie de personnes qui ont, lorsqu'elles étaient encore en mesure d'exprimer leur volonté, signé une déclaration anticipée pour au cas où elles développeraient une maladie d'Alzheimer, le Pr Distelmans a des arguments à la pelle. Les limites de la loi sur l'euthanasie sont habilement repoussées – une pente sur laquelle nous nous laissons glisser avec d'autant moins de résistance qu'elle est bien savonneuse.
Comme l'écrivait il y a quelque temps le gériatre et philosophe néerlandais Bert Keizer, « Si nous avons bien appris une chose au pays de l'euthanasie, c'est que derrière chaque nouvelle limite que nous posons surgit immédiatement un nouveau groupe convaincu que sa situation se prête à une overdose approuvée par la collectivité. C'est une histoire sans fin et je suis assez curieux de savoir qui seront les prochains candidats à se manifester » (pour pouvoir bénéficier d'une euthanasie) (NRC.Nl., 17/02/2018).
Dans son ouvrage « De Wetstrijd » (Garant, 2019, p. 333), Ivo Uyttendaele se demande non sans un certain cynisme comment nous pourrons expliquer, demain, « qu'une toux du fumeur suffit pour réclamer l'euthanasie, mais pas pour obtenir une incapacité de travail pour cause de maladie ».
L'interview d'Alicja Gescinska, philosophe et écrivain, publiée le même jour dans le journal De Morgen, est d'une autre plume et d'un tout autre calibre. Ni euthanatophile, ni euthanatophobe, elle y répond à une série de questions sur l'euthanasie et l'avortement, déplorant l'absence de chiffres récents (les dernières statistiques sur l'avortement remontent à 2011) et dénonçant le manque de rapports de la commission euthanasie sur l'évaluation de la nécessité d'un élargissement de la loi.
Personnellement, j'observe que la Commission Fédérale de Contrôle et d'Évaluation de l'Euthanasie dissimule sous le terme de polypathologie environ 20 % des motifs d'euthanasie réels (p. 5/70, 8e rapport aux chambres législatives, 2016-2017). Il est aussi évident que certains libéraux flamands veulent exploiter les débats sur la vie et la mort pour polir leur propre image. Au vu des réactions que suscite un peu partout la réputation de la Belgique en tant que « terre d'euthanasies et d'avortements », il n'est pas certain qu'ils seront salués pour avoir changé le monde en bien… mais ils auront certainement fait l'expérience d'un esprit libéral sans précédent.
Du temps de mes stages au service d'obstétrique, en 1974, on m'a confié l'examen d'un placenta d'une femme obèse enceinte pour la septième fois, qui ne parlait pas un mot de néerlandais et dont l'accouchement avait été provoqué parce qu'on n'entendait pas les battements de cœur du fœtus à l'examen doppler (l'établissement ne disposait pas encore d'un appareil d'échographie) ; pour toute anamnèse, les mots « bébé mort » que la patiente ne cessait de répéter. La toile opératoire contenait un placenta parfaitement normal et un fœtus de 17 à 18 cm qui cherchait désespérément à respirer. J'ai assisté, consterné, à ses longues minutes d'agonie. Quarante-cinq ans plus tard, l'incident reste gravé dans ma mémoire.
La légèreté avec laquelle le monde politique actuel aborde la vie et la mort me choque. Le lobby de l'euthanasie pétrit le grand public depuis plus d'un quart de siècle pour rendre acceptable une interprétation la plus large possible de la loi et profite aujourd'hui d'un cabinet minoritaires en affaires courantes pour débarrasser les lois sur l'avortement et l'euthanasie de leurs objectifs originaux.
Sans débat serein, et comme si tout le monde était d'accord.
Eh bien, moi, je ne le suis pas.
Dr Marc Moens,
à titre personnel
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