Réquisition !? Quelle mouche les a piqués ? (J. de Toeuf)

19 mai 2020

Le Moniteur du 4 mai a donc publié un arrêté royal n°16 du 29 avril qui autorise, jusqu’au 31 décembre 2020, la réquisition des prestataires de soins, et en définit les autorités de saisines ainsi que les modalités pratiques.  Mais quelle mouche les a piqués?

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Le Moniteur du 4 mai a donc publié un arrêté royal n°16 du 29 avril qui autorise, jusqu’au 31 décembre 2020, la réquisition des prestataires de soins, et en définit les autorités de saisines ainsi que les modalités pratiques.  Mais quelle mouche les a piqués ?

 

Ainsi, s’il est constaté quelque part un manque de professionnels pour gérer les effets de l’épidémie, et que ce manque ne peut être comblé, le(la) ministre de l’intérieur, en concertation avec le(la) ministre de la santé, peut ordonner au gouverneur de la province de mettre la procédure en place. Le gouverneur de la province, ou l’inspecteur d’hygiène, informé par les responsables locaux, sollicite alors la réquisition, les réquisitionnés étant choisis suite aux contacts entre le ministre de la santé publique et les responsables locaux. Il est encore précisé que le lieu de pratique où le réquisitionné va travailler est tenu de le payer, soit via le même salaire que celui versé par l’employeur d’origine, soit via le barème de la nomenclature.

 

Cette publication, deux mois après les premières décisions COVID, est symptomatique de l’agitation décisionnelle des équipes dirigeantes, et méconnaît totalement le dévouement exceptionnel des soignants sur le terrain, jetant même sur eux la suspicion qu’ils pourraient faire défaut.

 

En réalité, une telle initiative n’est pas nouvelle. Prise dans le cadre de l’épidémie de grippe de l’époque, une loi du 16.10.2009 avait organisé la possibilité de réquisition pour tous les prestataires, à l’exception des médecins dont le sort en cas de carence était réglé, à l’époque, par l’arrêté n°78 sur l’art de guérir au travers de l’organisation de leurs services de garde, dont la bonne organisation et les manques éventuels devaient être gérés par les Commission médicales provinciales, sous la houlette des gouverneurs de province.

 

Si le gouvernement, dans le cadre du COVID-19, voulait se prémunir contre tout risque de perte de capacité de l’offre de soignants (que ce soit par maladie, précaution, épuisement, etc.) il eût été judicieux de publier un tel arrêté dès les premières mesures prises, à la mi-mars 2020.

 

Les deux mois de crise qui viennent de se dérouler ont permis au contraire de constater que de multiples initiatives prises en milieu hospitalier ont garanti un encadrements de soignants de haute qualité au travers de la réaffectation du personnel et des médecins vers les unités COVID, les urgences et les USI, y compris des transferts du personnel des consultations vers les unités de soins. Tout cela d’initiative, et s’en s’embarrasser des normes et règles corsetant la pratique en temps normal.

 

Beaucoup de généralistes, démunis de moyens de protection, et malgré de multiples injonctions allant en sens contraire, se sont dévoués pour assurer les soins à leurs patients. Les centres de tri ont foctionné sans accrocs. De même, dans les maisons de repos, les médecins généralistes, le personnel, les volontaires ont fait l’impossible pour réduire les risques et les conséquences de l’abandon dans lequel ils étaient laissés, alors qu’ils ne disposaient d’aucun moyen de protection individuelle, et que les tutelles étaient muettes, quand elles ne réfugiaient pas derrière leur incompétence en raison des réformes de l’Etat.

 

Le courage, l’engagement, la déontologie professionnelle et l’éthique des soignants les ont fait se mobiliser sans compter pour assurer leur mission de soigner. Et le gouvernement répond par de nouvelles normes et réglementations contraignantes et menaçantes ! Du reste, ils ne sont pas les seuls à avoir usé de menaces. Ainsi, il me revient que certains gestionnaires, au début du lock down, dès la publication des premières directives (non opposables par ailleurs, ce qui fut soigneusement tu) émanant de Sciensano et interdisant toute activité programmée, tant en ambulatoire qu’en hospitalisation, ont menacé les médecins réticents de les réquisitionner et se sont livrés à de l’intimidation, abus de pouvoir manifeste : même le plan d’urgence hospitalier ne mentionne pas une telle possibilité ! Attitude évidemment mal venue, qu’elle ait été motivée par la panique ou l’ivresse du pouvoir.

 

Rêvons un peu. Et si à l’avenir, les expertsde tout poil, en sciences, de laboratoires ou en mathématique, en savoir économique, prenaient l’avis des praticiens de terrain ? Cela commence, timidement. Encore faudrait-il que cela continue et soit amplifié dans le monde d’après COVID, que l’on nous annonce différent !

 

Source: Le Spécialiste

 

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