BRUXELLES 28/04 - L'INAMI s'attelle depuis quelque temps à réduire les soins inefficaces. Travail pharaonique qui implique plusieurs groupes de travail. Alors qu'un premier rapport est attendu dans les prochains jours, le Groupement belge des spécialistes (GBS) a choisi ce moment pour sortir du bois et rédiger un document dans lequel il entend exposer sa vision de l'efficacité de soins.
Si certains commentaires tombent sous le bon sens comme le fait d'éviter la médecine à deux vitesses, sa sortie sur la nécessité de redessiner la médecine de première ligne en a surpris plus d'un dont l'ABSyM et le Groupement belge des omnipraticiens (GBO) qui ont exprimé depuis leur mécontentent.
Le GBS propose en effet d'intégrer dans la première ligne de soins les compétences médicales nécessaires à ce stade comme l'ophtalmologie, la gynécologie, l'ORL, la pédiatrie et la psychiatrie notamment. Le groupement souligne aussi que l'inscription obligatoire chez un médecin généraliste n'est pas nécessaire et qu'il faut laisser au patient la liberté de choisir son médecin, généraliste ou spécialiste.
Cette prise de position est pour le moins maladroite et malvenue.
Maladroite parce que dans une entreprise aussi complexe que celle entamée par l'INAMI, dire à l'autre ce qu'il doit faire ne fait pas preuve de beaucoup de respect. De plus, dans une notion de parcours chronique de soins, il est indispensable de disposer d'un coordinateur. Or, devant la croissance rapide des comorbidités liées au vieillissement de la population, quel autre professionnel de la santé que le médecin généraliste est mieux placé pour assurer ce rôle, même si dans certaines situations complexes, on peut envisager l'intervention d'un case manager.
Malvenue, parce que ce n'est manifestement pas la direction à prendre et qu'il vaudrait mieux commencer par balayer devant sa porte.
Plusieurs priorités s'imposent en effet aux spécialistes aujourd'hui :
1. La notion de valeur : la compétition entre hôpitaux, bien présente sur le terrain, s'avère inadaptée dans la sphère de la santé et des soins en général. La seule compétition acceptable concerne la qualité des soins délivrés et la valeur ajoutée que cela représente pour les patients. La valeur ajoutée doit être approchée non seulement par pathologie, mais surtout sur base d'un épisode complet de soin, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
L'histoire de l'infarctus du myocarde ne s'arrête pas au moment où le patient franchit les murs de l'hôpital pour rentrer chez lui, mais va bien au-delà, incluant son retour à domicile, la réconciliation médicamenteuse, l'observance thérapeutique, le changement de mode de vie et la revalidation cardiaque. Une transition efficace vers le retour à domicile représente dans ce cas une vraie valeur ajoutée pour le patient et le spécialiste. Le cardiologue, dans l'exemple choisi, a un rôle essentiel à jouer dans ce processus trop souvent négligé aujourd'hui. Définir ce que représente, par pathologie, un épisode complet de soin est une tâche compliquée que les spécialistes pourraient/devraient considérer comme la leur.
2. Mesurer dans ce cadre le « résultat santé », des données dont nous manquons cruellement, passe par ce que Michaël Porter à Harvard appelle la création « d'unités de pratique intégrée » (integrated pratice units- IPU). La stratégie du GBS pourrait être de se positionner comme l'instigateur de la mise en place de telles unités en étroite collaboration notamment avec le GBO et d'autres acteurs. Ces IPUs seraient à même de collecter tous les éléments qui comptent pour le patient et mesurer ainsi les ressources totales nécessaires pour l'ensemble du cycle de soins évoqué plus haut. Une sorte de « bundle of payement » en quelque sorte.
3. Les variabilités de pratique entre spécialistes sont considérables, même si nous manquons encore une fois de données disponibles dans le cadre d'un cycle complet de soins. Or ces variabilités sont responsables de différences de résultats (outcomes) considérables, eux-mêmes générateurs de dépenses inutiles. Le taux d'erreurs médicales reste beaucoup trop élevé, représentant 10% des séjours hospitaliers. Le GBS pourrait en faire un cheval de bataille : le délai d'adoption des bonnes pratiques cliniques est actuellement en moyenne de 5 ans. Le délai d'obsolescence est identique…
J'ose donc espérer pour le GBS que sa récente communication clamant qu'il faut redessiner la première ligne est une maladresse. Sinon il serait grand temps de retravailler sa charte qui date quand même de 2004 !
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