Réaction aux propos intransigeants du ministre Vandenbroucke
Extraits du journal de Standaard du 10.09.2022:
- « …une loi obligeant chaque hôpital à disposer d'au moins un radiologue conventionné en interne »
- « Des scans abordables dans chaque hôpital »
- « Le ministre Vandenbroucke souhaite au moins un radiologue qui offre des prestations abordables dans chaque hôpital ».
- « Notre pays réalise jusqu'à 50% « de scans en plus que la moyenne européenne, souvent à des fins lucratives ».
Des scans abordables dans chaque hôpital
Nous comprenons les préoccupations du ministre, mais nous ne pouvons pas approuver une solution telle que le conventionnement obligatoire. Plusieurs mesures ont déjà été prises dans les hôpitaux pour les personnes en difficulté.
- dans de nombreux hôpitaux, les patients les plus « vulnérables » (jusqu'à plus d'un tiers du total de patients) sont déjà protégés, notamment les patients oncologiques, les patients ayant un « statut affection chronique » (patients atteints d'une maladie rare ou orpheline), les patients bénéficiant d'une allocation majorée (revenu d'intégration, garantie de revenu pour les personnes âgées, les personnes handicapées, les orphelins,...).
- de nombreux hôpitaux proposent déjà des plages horaires aux patients qui souhaitent un examen au tarif de la convention, quel que soit le statut de conventionnement du médecin.
Dans l'accord national médicomut 2022-2023, il a été convenu que des soins abordables doivent être disponibles pour les patients[1].
Or, « imposer » les tarifs de la convention remet en cause l'accord national médicomut. L'accord stipule clairement que la discussion sur les suppléments ambulatoires doit se dérouler parallèlement à l'application de la nouvelle réforme de la nomenclature et des dispositions de l'article 155 §3 de la loi sur les hôpitaux[2].
Nous souhaitons contribuer à ces travaux, mais à ce jour, il subsiste de grandes incertitudes quant aux coûts médicaux, aux rétrocessions sur les examens d'imagerie médicale lourde,…
Au lieu de communications médiatiques unilatérales, nous demandons au ministre de trouver des solutions à court et à long terme pour les patients, les hôpitaux et les médecins, grâce à des concertations constructives.
Scans « à des fins lucratives »: jusque 50% de plus que la moyenne européenne
- La Belgique n'est pas une exception en matière de « consommation » radiologique par rapport aux pays d'Europe occidentale. En 2018, la moyenne en Belgique était de 95 examens IRM/1000 habitants contre une « moyenne » de 67 examens/1000 habitants dans l’UE (chiffres de l'OCDE) : les chiffres belges sont toutefois inférieurs à ceux d'autres pays d'Europe occidentale comme l'Allemagne (149 examens IRM/1000 habitants), l'Autriche (141/1000) et la France (120/1000).
Ces chiffres sont supérieurs aux pays d’Europe de l’Est comme l’Albanie et la Roumanie (11 examens IRM/1000 habitants), la Serbie et la Bulgarie (13/1000) et la Pologne (37/1000), mais souhaitons-nous vraiment comparer nos soins de santé à ceux de ces pays ?
- Tout examen par CT non indiqué doit être évité. C'est pourquoi la Société belge de radiologie et l'ABSyM collaborent depuis 2015 à la mise en place d'une aide à la décision clinique (clinical decision support) pour le prescripteur afin de remédier à la surconsommation présumée. Ce projet, mené par l'INAMI, a connu des retards importants, indépendants de la volonté des organisations professionnelles impliquées.
- L’évolution du nombre d’examens d’imagerie médicale révèle une corrélation directe avec le nombre de consultations effectuées en Belgique.
- Effectuer délibérément des examens sans avoir au préalable posé des questions cliniques et diagnostiques (+ thérapie incertaine) ne figure pas dans notre formation médicale. Au contraire. Les radiologues sont confrontés à des problèmes (médico-légaux ou autres) s'ils refusent d'effectuer un examen.
[1] 3.5.5. La CNMM a constaté que dans certains hôpitaux, certains examens radiologiques ne sont plus proposés aux tarifs de la convention. La CNMM estime que le principe qui veut que les soins aux patients hospitalisés doivent obligatoirement pouvoir être proposés aux tarifs de la convention dans les hôpitaux doit aussi s'appliquer aux examens ambulatoires qui peuvent être uniquement effectués à l'hôpital. À cet égard, un parallélisme doit être établi avec l’application de la section 3.4.8.
[2] 3.4.8 La CNMM exhorte le gouvernement à faire appliquer au cours de l'année 2022, les dispositions de l'article 155(3) de la loi sur les hôpitaux.
En Belgique, une femme atteinte d'un cancer du sein avancé a un taux de survie de 10 % supérieur à celui d'une femme aux Pays-Bas. En outre, la Belgique devance de loin les Pays-Bas pour ses taux de survie au dépistage du cancer du sein, du côlon et du poumon.
Rémunération en fonction du nombre moyen de scans
- Les propos du ministre remettent en question l'accessibilité de notre système de santé. Les taux de survie après le diagnostic de cancers courants ont augmenté en Belgique au cours des dix dernières années grâce à des diagnostics d’imagerie plus rapides. Le ministre veut-il multiplier les listes d'attente en imposant un nombre maximum d'examens par 1000 habitants et en réduisant ainsi les chances de survie de notre population belge ?
- Les évolutions technologiques/scientifiques et l'amélioration de la qualité des images font augmenter les indications de CT et PET-CT : traitement des tumeurs, pathologie cardiovasculaire, traumatologie et médecine d'urgence, ...
Par exemple, la répétition d’une imagerie oncologique complexe par CT et PET-CT (après 6 semaines, 12 semaines, 6 mois, 12 mois, …) est exigée pour le remboursement de nouvelles chimio- et immunothérapies coûteuses. Les « non-répondants » sur base d’examens par CT et PET-CT sont déjà déduits des dépenses lors de la budgétisation des immuno- et chimiothérapies coûteuses (plus d'un milliard d'euros). Ici, l’imagerie par CT et PET-CT permet de réaliser d'importantes économies dans le secteur des médicaments, pour autant que des dépenses supplémentaires soient prévues dans le budget de la radiologie.
- La comparaison avec les Pays-Bas, pays soi-disant exemplaire, se retourne sans cesse contre nous. La moins bonne accessibilité des soins de santé aux Pays-Bas a un impact important, comme le montrent les chiffres 2017 de l'OCDE.
En Belgique, une femme atteinte d'un cancer du sein avancé a un taux de survie de 10 % supérieur à celui d'une femme aux Pays-Bas. En outre, la Belgique devance de loin les Pays-Bas pour ses taux de survie au dépistage du cancer du sein, du côlon et du poumon.
Par ailleurs, selon ces mêmes chiffres de l'OCDE de 2017 (corrigés pour tenir compte des différences de pouvoir d'achat), les dépenses de santé par habitant aux Pays-Bas s'élèvent à 3 791 euros, contre 3 554 euros en Belgique.
Pour terminer, nous souhaitons aussi rappeler au ministre les points suivants :
- Plusieurs services radiologiques facturent encore les anciens tarifs (indexés) applicables à l'IRM avant la réduction des tarifs pour ces examens en date du 01.07.2005, suite à une décision unilatérale du ministre de l'époque, Rudy Demotte.
- Des suppléments sont aussi facturés pour compenser de nombreux examens par RM ou CT complexes mais sous-payés et le sous-financement de la radiologie interventionnelle.
Grâce à des rétrocessions importantes, ces suppléments profitent également aux hôpitaux pour maintenir leur propre fonctionnement et celui des services de radiologie.
Dr Johan Blanckaert, président de l’Association Belge des Syndicats Médicaux (ABSyM)
Dr Gerard Moulin-Romsee, président de l’Union Belge des médecins-spécialistes de la médecine nucléaire
Dr Piet Vanhoenacker, Président de la Société belge de Radiologie (SBR)
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