Prescription électronique : du nouveau se profile pour les médecins plus âgés et/ou non informatisés
En Commission de Santé publique, Mme Caprasse (DéFI) s'est adressée à notre Ministre de la Santé, Maggie De Block, concernant la prescription électronique et ses échéances:
Véronique Caprasse (DéFI): Madame la ministre, la généralisation de la prescription électronique est à nos yeux une évolution inéluctable et qui comporte des avantages. Cependant, l'accélération du tempo de sa mise en oeuvre au 1er janvier 2018 pose visiblement des problèmes. En complément à vos réponses déjà formulées en commission, j'aimerais en savoir davantage sur les aspects pratiques, car ce sont des questions qui se posent sur le terrain.
Il semble que les cas de force majeure pourront faire l'objet de dérogations, mais que faut-il entendre par là? Quid en cas de perte ou de vol de la carte d'identité, par exemple? Quid pour les personnes qui n'ont pas de carte d'identité standardisée (sans-papiers, enfants, touristes, des résidents étrangers...)? Que répondre aux pharmaciens qui craignent que des pannes de réseau ou de courant les empêchent de délivrer les médicaments prescrits? Pourront-ils par exemple délivrer et régulariser ensuite? Quid des visites à domicile, pour des cas urgents? La prescription manuscrite sera-t-elle refusée en cas de problème technique, y compris, par exemple, pour des patients distraits, à court d'un médicament à prendre tous les jours? Quand et comment les médecins et les pharmaciens seront-ils informés pour faire face à tous ces cas pratiques? Ne vaudrait-il pas mieux commencer par les informer correctement en répondant à toutes ces inquiétudes, au lieu d'imposer une date limite aussi proche en les laissant dans l'incertitude? Cette évolution au pas de charge ne risque-t-elle pas d'amplifier les risques de pénurie, surtout au Sud du pays?
Les médecins non encore informatisés sont souvent des seniors. En fin de carrière ils n'ont pas le courage d'encoder leurs dossiers. Ils envisageraient même de prendre une retraite anticipée parce qu'ils ne pourront pas suivre. Avez-vous tenu compte de cet aspect, qui va bien au-delà du problème de la formation? Préconisez-vous une solution pour les médecins en fin de carrière?
Pour quelle raison avez-vous décidé d'accélérer l'obligation de passer à la prescription électronique? Avez-vous préalablement dressé un bilan de la situation actuelle? Par exemple, savez-vous combien de médecins utilisent déjà le dossier médical électronique et quelle est leur répartition géographique?
Voilà une somme de questions, mais elles sont importantes dans le détail pour bien compléter mes connaissances sur le dossier.
Maggie De Block : Madame Caprasse, en 2018, la prescription électronique de médicaments se généralisera et remplacera la prescription papier. La prescription papier reste, toutefois, valable pour des situations d'urgence. Celle-ci dépendra surtout de l'urgence avec laquelle le patient doit obtenir son médicament et du fait que le prescripteur est à ce moment dans l'impossibilité de rédiger une prescription électronique. Ce sera aussi possible pour les médecins qui sont pensionnés et qui veulent encore prescrire des médicaments.
Il s'agit de l'exécution d'un point d'action dans le cadre du Plan e-Santé 2015-2018, qui a été signé par les neuf ministres chargés de la Santé dans notre pays, dans lequel ils s'engagent à exploiter de manière optimale les possibilités en e-Santé. Ce plan comprend vingt points d'action. Organiser des soins de santé avec le moins de paperasse possible en est l'un des objectifs principaux.
L'objectif du Plan e-Santé n'est toutefois pas de pousser les prescripteurs en fin de carrière vers une informatisation obligatoire. Toutefois, j'observe dans la presse que certains médecins de moins de 50 ans se dirigent vers la fin de carrière. Pour les médecins plus âgés et non informatisés, la mise à disposition d'une solution est prévue, permettant à des prescripteurs dits sporadiques de faire des prescriptions électroniques de manière sécurisée. Cela se fera dans les mois qui viennent.
Pour les médecins en visite à domicile, une mise à disposition permettra aussi de faire des prescriptions électroniques de manière sécurisée. La preuve papier de la prescription électronique disparaîtra, elle aussi. La lecture du code-barre par le pharmacien sera remplacée avant 2018 par la lecture de la carte eID.
Le prescripteur ne devra donc pas se balader avec une imprimante.
Le fait d'avoir une carte d'identité électronique n'est pas obligatoire pour établir une prescription électronique. En revanche, le médecin doit disposer d'un numéro NISS ou NISSbis et du nom du patient. Á l'heure actuelle, les patients sans numéro NISS ou NISSbis n'entrent pas encore en ligne de compte pour une prescription électronique. C'est par exemple le cas pour les nouveau-nés et les sans-papiers.
C'et un point d'action pour 2017 et des instructions pratiques seront données aux acteurs de terrain en temps et en heure.
L'année 2017 est une année de transition qui permettra de remédier aux problèmes signalés et d'améliorer et d'optimaliser le fonctionnement du circuit électronique en collaboration avec les acteurs concernés avec une attention aux circonstances en real time.
Tout comme la prescription électronique, le papier, qui est à présent l'outil de fold back pour le pharmacien en cas de panne ou problème technique et qui lui permet de mettre en ordre le volet administratif, une procédure de fold back pour le pharmacien est à prévoir. On passe à un système basé sur la lecture de cartes eID. Et les analyses en cours devront tenir compte de ces scénarios.
En plus, le prescripteur et le pharmacien continueront à donner des informations claires et utiles aux patients pour qu'ils prennent correctement ces médicaments. Par exemple, sous forme d'un schéma de médication. Mais vous savez aussi qu'il faut toujours l'indiquer sur les petites boîtes.
Rendre obligatoire la prescription électronique nécessite des adaptations législatives dont les préparations et les discussions au sein des commissions concernées seront bientôt entamées. Dans ce cadre, des informations et des instructions pratiques complémentaires seront communiquées aux acteurs de terrains concernés, les autorités compétentes et les associations professionnelles comme cela a été le cas lorsqu'il s'est agit d'envisager la modification en 1er janvier 2017.
Un dépliant de l'INAMI adressé aux patients sera bientôt diffusé via les pharmaciens d'officines ouvertes au public.
Je ne dispose pas ici, parce que je ne l'ai pas vu dans votre question, d'informations concernant le nombre de prescriptions. Mais il est vrai que ce nombre est exponentiel. Pour les pharmaciens, la plupart des prescriptions passent par la voie électronique. Il y a des maladies d'enfance. C'est toujours le cas. Mais ça fonctionne de mieux en mieux. Dans quelques cas, il y a des problèmes de systèmes, d'accès à l'Internet, etc. C'est néanmoins un travail intense et c'est dans l'intérêt du patient et du médecin de s'informatiser. Je comprends la difficulté de collègues plus âgés qui n'y voient pas d'intérêt, mais cela doit rester une minorité qui tend à diminuer.
Vous devez savoir que, depuis 1999, la commission de la Santé publique débat de la numérisation dans le secteur des soins de santé. Des primes et des incitants ont été accordés en vue d'informatiser le système. Dix-huit ans plus tard, on en parle toujours. Certains médecins refusent encore de travailler avec un ordinateur. Je respecte leur méthode et ne prétends pas que ce soit moins bien. Pas du tout! Toutefois, je relève que les infirmiers seront informatisés à 100 % dans deux ans. Vous percevez la différence? C'est, par exemple, le cas de la biologie clinique. Il faut quand même savoir de quoi l'on parle.
J'ai entendu un médecin déclarer à un journaliste qu'il n'a pas envie d'emporter son ordinateur de douze kilos dans sa valise. J'ignorais qu'il existait encore des ordinateurs d'un tel poids! Peut-être dans le catalogue des antiquités…
Véronique Caprasse (DéFI): Madame la ministre, je vous remercie d'avoir bien étoffé vos réponses.
Il me semble sain d'assigner une échéance aux intéressés, car cela les stimule et fait un peu monter l'adrénaline. Cependant, je reste sceptique. Tous les problèmes seront-ils résolus pour le début 2018? Je suis moins optimiste à cet égard.
Selon vous, certains médecins se déclarent seniors à cinquante ans. Je crois que c'est un peu exagéré. Que plusieurs d'entre eux ne bénéficient pas de l'énergie nécessaire pour repartir de zéro, je peux comprendre que ce soit très difficile pour eux. Ils font passer en priorité les soins aux patients et ont l'impression qu'ils vont être dépassés. Je pense qu'il faut respecter cette opinion.
J'espère que vous mettrez en place un suivi permanent de l'évolution de la situation en vue de corriger le tir en cas de problème sur le terrain. Par ailleurs, si des risques de pénurie devaient se concrétiser, j'espère que vous aviserez dans le bon sens et que les choses se passeront au mieux. Néanmoins, je reste très, très méfiante, car il s'agit d'un véritable retournement des mentalités.
Source: Commission de la Santé publique (via Mediquality)
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