Opinion ABSyM : Malades chroniques, victimes d’assurances hospitalisation bidon

7 mars 2014

Dans un excès de zèle visant à faire des économies dans le domaine de l’assurance maladie, le gouvernement avait enjoint à l’INAMI de mettre sur pied une « Task Force », après les vacances d’été 2013. Les représentants du comité de l’assurance de l’INAMI (dans lequel siègent, pour une moitié, des représentants des mutualités et pour l’autre moitié, des prestataires de soins.....

Dans un excès de zèle visant à faire des économies dans le domaine de l’assurance maladie, le gouvernement avait enjoint à l’INAMI de mettre sur pied une « Task Force », après les vacances d’été 2013. Les représentants du comité de l’assurance de l’INAMI (dans lequel siègent, pour une moitié, des représentants des mutualités et pour l’autre moitié, des prestataires de soins, tels des hôpitaux et quelques médecins notamment) et ceux du Conseil général, la plus haute autorité de l’INAMI (comptant des délégués du gouvernement disposant du droit de veto, les bonzes des mutualités, des patrons et des employés; les prestataires de soins n’ayant, quant à eux, aucun droit de vote), avaient été conviés à une autoflagellation collective.

 

Après que les « usual suspects » avaient été plumés (le secteur des médicaments et les honoraires des médecins, en l’occurrence ceux des radiologues et des biologistes cliniques), les experts avaient planté le couteau dans le financement des hôpitaux, notamment dans une branche bien précise, le miniforfait. Ce moyen de paiement à l’hôpital ne fait que renforcer les différences historico-communautaires et de consommation entre les hôpitaux. En 2013, un montant de +/- 63 millions d’euros avait été versé à cet effet aux hôpitaux afin de financer leur infrastructure et leur personnel, qui sont des éléments indispensables aux traitements vitaux d’un certain nombre de patients chroniques atteints de polyarthrite rhumatoïde, de spondylarthrite ankylosante, d’arthrite psoriasique, de sclérose en plaques, de la maladie de Crohn et d’autres troubles que l’on continue à cataloguer comme maladies auto-immunes. En Belgique, le nombre de patients concernés est estimé à plus de 100 000.

 

Un nombre considérable d’entre eux se voit dispenser toutes les quatre, six ou huit semaines un traitement médicamenteux (coûteux) administré par voie intraveineuse. Jusqu’au 31 décembre 2013, l’hôpital percevait pour ce faire un « miniforfait » et les patients étaient considérés comme hospitalisés (très brièvement). En raison de différences inexplicables dans les dépenses pour les « miniforfaits », les autorités publiques ont décidé d’économiser 10 millions d’euros sur le compte de ceux-ci.

 

Comment? Elles ont aboli l’existence des « miniforfaits » et ont transféré au « budget des moyens financiers » (BMF) que les hôpitaux utilisent pour les patients vraiment hospitalisés le reste du budget qui s’élevait à 53 millions d’euros, à l’issue des économies effectuées. La commission de conventions mutualités-hôpitaux, au sein de laquelle aucun médecin praticien ne siège, a consenti à la suppression de ces miniforfaits. Elle cherche à trouver un moyen de redistribuer les 53 millions d’euros encore disponibles. 

 

Pour des dizaines de milliers de patients, la suppression du miniforfait a eu des retombées financières désastreuses. Jusqu’à présent, ces patients étaient assimilés par leurs mutualités aux patients hospitalisés résidant à l’hôpital, étant donné que leur traitement par voie intraveineuse permettait à l’hôpital de percevoir un « miniforfait ». Ainsi, ces patients bénéficiaient du statut financièrement plus avantageux des patients hospitalisés. En outre, environ trois quarts des patients belges disposent d’une assurance hospitalisation qui couvre une série de frais complémentaires.

 

Depuis le 1er janvier de cette année, la suppression des miniforfaits a soudainement fait de toutes ces personnes de simples patients soignés en ambulatoire. L’assurance hospitalisation qu’ils continuent à payer de bonne foi à leur mutualité ne doit par conséquent plus intervenir pour les soins dispensés.

 

Les frais élevés de leurs médicaments (notamment 11,80 euros de ticket modérateur par flacon administré; 3 à 5 flacons par traitement) et d’autres soins, qui étaient auparavant intégralement remboursés par leur assurance hospitalisation, leur sont maintenant directement imputés. Ils sont ainsi contraints de les honorer eux-mêmes. A partir de la fin du mois de février 2014, ces patients chroniques ont commencé à recevoir pour la première fois ce type de factures exorbitantes pour des soins qui leur ont été dispensés au mois de janvier 2014. Les montants varient entre 40 et 110 euros par traitement, à raison de toutes les 4 à 8 semaines.

 

Il va de soi que ces patients en ont parlé à leur médecin traitant. A juste titre, ils considèrent toujours leur médecin comme le meilleur défenseur de leurs intérêts en tant que patients. Les mutualités étaient au premier rang des discussions relatives aux économies faites par la Task Force en octobre 2013 et elles se font volontiers passer pour des soi-disant expertes en la matière au sein des commissions de conventions, telle la commission de conventions mutualités-hôpitaux en l’occurrence.

 

Mais c’est l’ABSyM qui, via ses membres et leurs patients, constate une fois de plus que les mutualités ont incontestablement laissé tomber leurs affiliés, qui ne sont autres que nos patients. Elles n’ont pas seulement autorisé des économies sur le dos des malades chroniques mais se sont également fait beaucoup d’argent sur leur dos. En effet, les mutualités proposent toujours leurs assurances hospitalisation au même prix alors qu’en fait, elles ne couvrent qu’à peine quelques risques.

 

Le sujet ayant été mis sur la table par nos soins, les mutualités se défendent en déclarant qu’elles souhaitent retirer ces soins de leur assurance hospitalisation complémentaire et veulent les intégrer dans l’assurance de base. Mais cela exige un travail législatif. Si les mutualités peuvent déposer des propositions de loi financièrement intéressantes (et intéressées) auprès des cabinets avec lesquels elles copinent, ce sont donc les premières à pouvoir mettre leur grain de sel.

 

Je n’accepte pas leur excuse pour la bonne et simple raison qu’il n’y a aucune trace d’une adaptation de la loi en ce sens dans la loi-programme de décembre dernier et pas plus de trace dans le projet de loi relatif aux diverses dispositions en matière de santé qui sera publié dans les jours à venir.

 

Entre-temps, la commission de conventions mutualités-hôpitaux doit s’efforcer de bricoler vite fait bien fait une solution plus ou moins potable pour éviter des milliers de drames sociaux.

 

Pas joli joli comme départ, pour une ministre qui avait fait des soins aux patients chroniques son cheval de bataille.

 

Dr Roland Lemye                                                               Dr Marc Moens,

Président de l’ABSyM                                                        Vice-président de l’ABSyM

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