M. Moens : « Un médecin de haut niveau est libre de fixer son tarif. » J. De Maeseneer : « Pas d'accord. Pourquoi un spécialiste devrait-il gagner davantage qu'un généraliste ? »

26 mai 2021

L'académicien Jan De Maeseneer (UGent) et le médecin Président honoraire de l’ABSyM, Marc Moens, se connaissent depuis 45 ans. Depuis l'époque où ils étaient étudiants, ils ont souvent des opinions diamétralement opposées en matière de santé. « Lorsque nous manifestions à l'université, Jan marchait symboliquement du côté gauche de la rue et moi du côté droit, » plaisante M. Moens. Aujourd'hui encore, ils débattent de façon vigoureuse, mais courtoise. MediQuality les a interrogés à trois reprises sur des thèmes d'actualité dans le domaine des soins de santé.

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L'académicien Jan De Maeseneer (UGent) et le médecin Président honoraire de l’ABSyM, Marc Moens, se connaissent depuis 45 ans. Depuis l'époque où ils étaient étudiants, ils ont souvent des opinions diamétralement opposées en matière de santé. « Lorsque nous manifestions à l'université, Jan marchait symboliquement du côté gauche de la rue et moi du côté droit, » plaisante M. Moens. Aujourd'hui encore, ils débattent de façon vigoureuse, mais courtoise. MediQuality les a interrogés à trois reprises sur des thèmes d'actualité dans le domaine des soins de santé.

 

Aujourd'hui, nous abordons avec eux la réforme de la nomenclature. Quelle orientation doit-elle prendre ? Et que peuvent gagner certaines spécialisations ?

 

M. Moens : « La nomenclature a 50 ans. Bien qu'elle compte de nombreuses annexes et que nous l'ayons régulièrement mise à jour, il est temps de procéder à une évaluation approfondie. Dans le cadre de l'accord médico-mut, nous avons essayé de le faire de manière systématique, mais on sent que diverses forces en présence - d'ordre politique, académique et idéologique - souhaitent une réforme plus rapide et plus radicale. »

 

Quel devrait être l'objectif de la réforme ?

 

M. Moens : « L'ABSyM et moi-même sommes favorables à une rémunération plus équitable des prestations des médecins. La situation s'est dégradée au fil des ans, pour diverses raisons. »

 

J. De Maeseneer : « Sur ce point, je suis entièrement d'accord avec Marc Moens. Nous devons évoluer vers un système plus transparent qui valorise plus correctement les prestations des médecins. Tant au sein des disciplines médicales qu'entre elles, mais aussi entre les différentes professions du secteur des soins. Pour moi, il s'agit de bien plus que de la seule nomenclature des médecins. »

 

M. Moens : « Il y a 40 ans, il était possible de réaliser une opération à cœur ouvert par jour. Aujourd'hui, la technologie a tellement progressé qu'un médecin motivé, accompagné d'une bonne équipe, peut effectuer deux opérations par demi-journée. Cependant, peu de choses ont changé en termes de rémunération de ces prestations. »

 

J. De Maeseneer : « Cela entraîne une forte tension salariale, certains médecins gagnent cinq à huit fois plus que d'autres. Cet écart est trop important. L'Allemagne, qui n'est pas vraiment un pays dirigiste, a réussi à réduire la différence de revenus à un rapport de un à un et demi, maximum deux et demi. Je ne vois pas d'arguments importants qui justifient qu'un spécialiste doive gagner beaucoup plus qu'un généraliste. »

 

Pourquoi un généraliste et un spécialiste devraient-ils gagner la même chose ?

 

« Ils jouent tous deux un rôle essentiel dans notre système de santé. Les Norvégiens l'ont bien compris et les ont toujours valorisés de la même manière. Leur raisonnement est le suivant : si un médecin généraliste, exerçant sur l'une des nombreuses îles, passe à côté d'un problème cardiaque aigu, il ne sert à rien qu'un chirurgien cardiaque à Oslo soit prêt à effectuer une opération vitale. Ce généraliste doit faire venir l'hélicoptère, sinon ça ne sert à rien. »

 

Moens : « Si vous êtes un chirurgien de haut vol, capable d'enlever sans problème un glioblastome derrière l'œil d'un patient, alors vous pouvez demander une rémunération un peu plus élevée pour cela. »

M. Moens : « Ma famille compte de nombreux médecins généralistes et ils font un travail fantastique. Mais je pense qu'il faut laisser les médecins libres de choisir leurs honoraires. Nous vivons dans un pays libre. Si vous êtes l'un des chirurgiens de haut vol capables d'enlever sans problème un glioblastome derrière l'œil d'un patient, vous pouvez demander une rémunération un peu plus élevée pour cela. Les gens sont d'ailleurs prêts à payer pour cela. Le rapport salarial de un à huit, auquel Jan fait référence, n'est plus d'actualité. Dans la pratique, la moyenne est plus proche d'un rapport de un à trois, car les hôpitaux prélèvent une partie substantielle du salaire. » (Pour en savoir plus à ce sujet, lisez notre débat n°3 : « Réforme de la nomenclature et réforme du financement des hôpitaux vont de pair »).

 

« Oui, nous devons réfléchir à la manière de réduire la tension salariale actuelle. Mais il ne faut pas essayer de forcer les médecins de haut niveau à suivre une ligne administrative étatique. Parfois, ils facturent de façon excessive, mais nous vivons dans un pays libre. Les professions libérales doivent pouvoir fixer leurs propres tarifs. »

 

Comment évoluer vers des salaires plus égalitaires ? La durée de la formation peut-elle être un critère ?

 

J. De Maeseneer : « Non, ça ne devrait pas l'être. Les médecins en formation devraient pouvoir travailler avec un bon statut, avec un salaire correct. Ça n'a pas été le cas pendant longtemps. Actuellement encore, ils n'ont pas droit à un 13e mois ni à un congé palliatif, ils ne se constituent aucune pension, etc. Et ce, alors qu'on leur demande beaucoup. Si l'on sort des études comme ça, il est logique que certains se disent : ‘J'ai trimé pendant 6 ans sans gagner grand-chose, maintenant c'est à mon tour de passer à la caisse'. »

 

M. Moens (indigné) « Passer à la caisse. Je n'aime pas cette façon de s'exprimer, Jan, vraiment pas. Tu dois en changer. Lorsque la formation de spécialiste prend fin, on a 31 ans. Une personne qui possède un autre diplôme universitaire peut commencer à travailler à 22 ou 23 ans. En ce sens, je pense qu'il est réducteur de considérer que la durée de la formation ne compte pas. »

 

Moens : « Les médecins spécialistes en formation qui entendent, après 6 ans, enfin passer à la caisse ? Je n'aime pas cette façon de s'exprimer, Jan ».

 J. De Maeseneer : « Même si je formule, en disant ‘après 6 ans, j'ai enfin le droit à une rémunération plus élevée', le problème fondamental reste le même. Les assistants en formation ne doivent pas avoir le sentiment, à l'âge de 30 ans, de ne pas avoir pu participer suffisamment à la société pendant leurs années de formation. Ou d'avoir mis leur vie privée en suspens pendant tout ce temps parce qu'ils ne pouvaient pas s'y investir assez. J'espère que le récent accord entre syndicats de médecins et hôpitaux concernant les médecins spécialistes en formation améliorera quelque peu la situation. »

 

M. Moens : « Ce qui me dérange, c'est que les hôpitaux universitaires forment encore inutilement de nombreux spécialistes pour les employer comme esclaves à bas prix. Jan exprime régulièrement la critique selon laquelle un tiers du travail des médecins peut également être effectué par une personne ayant un niveau de formation inférieur. Mais où sont censés aller tous ces radiothérapeutes, gynécologues et chirurgiens fraîchement formés, une fois leur stage en hôpital terminé ? Ils doivent aussi gagner leur vie. »

 

« ‘Je m'en fous, m'a dit un jour un maître de stage en pédiatrie (UCL) lorsque je lui ai posé cette question. Je trouve cela scandaleux. Jan aurait dû, par le biais des instances académiques, convaincre les doyens de former un peu moins de personnes, au lieu de critiquer maintenant le fait que les médecins sont parfois surqualifiés pour le travail qu'ils font. »

 

J. De Maeseneer : « J'ai essayé, Marc. Et je garde un souvenir ému de notre combat commun contre cette surproduction au sein de la Commission de planification. Mais hélas, la vie humaine est trop courte pour améliorer tout ce qui devrait l'être. Heureusement, je commence à voir un certain mouvement dans la bonne direction, par exemple au sein de la Commission de planification. »

 

« En dehors de cela, je pense que la discussion devrait porter essentiellement sur les soins de santé que nous voulons avoir. Il y a soixante ans, l'INAMI a organisé les négociations sur le remboursement des prestations de santé pour chaque groupe professionnel. Il y a la commission dentistes-mutualités dento-mut, la commission médecins-mutualités médico-mut, la commission de convention pour les infirmiers, les pharmaciens, etc. Cette structure est dépassée. L'époque où un médecin déterminait seul la qualité des soins est révolue. Aujourd'hui, pour apporter de bons soins, les différents métiers de la santé doivent collaborer. »

 

« Vous pouvez avoir le meilleur des chirurgiens. Si le suivi post-opératoire en soins intensifs ne fonctionne pas bien, le taux de mortalité augmentera. Notre future nomenclature doit proposer des incitants suffisants pour une coopération et une répartition logique des tâches. Aujourd'hui, les prestataires de soins se font parfois concurrence pour accomplir certaines tâches. Une bonne répartition des tâches ne peut fonctionner que grâce à un financement plus intégré. Cela permet également de mettre en place des soins intégrés. »

 

Êtes-vous d'accord avec cela, Dr Moens ?

 

M. Moens : « C'est, depuis des décennies, l'un des principaux combats idéologiques de Jan. Cependant, notre médecine à l'acte fonctionne bien. Et, certainement en première ligne, les médecins collaborent déjà de manière intensive et informelle avec des psychologues, des kinésithérapeutes, des infirmières et d'autres prestataires de soins lorsque c'est nécessaire. La communication entre les différentes disciplines est presque automatique. Pour cela, vous n'avez pas besoin de systèmes de soins intégrés coûteux et imposés par le politique. »

 

  • Prochain débat : « Médecine à l'acte vs. système plus forfaitaire : quel modèle conduit aux meilleurs soins ? »
  • Troisième débat : « Réforme de la nomenclature et réforme du financement des hôpitaux vont de pair. »

 

Interview : Thomas Detombe

Source: MediQuality

 

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