Luc Herry : " Il faut mieux financer les syndicats médicaux "

12 octobre 2021

Homme de l'ombre, le Dr Luc Herry succède au scintillant Dr Philippe Devos à la tête de l'Absym dont il termine le mandat jusqu'en mai prochain. Une présidence de transition qui pourrait toutefois être chaude. A la clé: le budget (voté ce lundi, lire page 2), l'amélioration du fonctionnement interne du syndicat médical, le refinancement des syndicats et le rattrapage de la baisse des dépenses et des honoraires des médecins due à la pandémie et comment sortir de celle-ci et, enfin, des élections médicales plus équitables pour l'Absym et le Cartel vs AADM.

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Dr. Luc HERRY

Le journal du Médecin: Votre présidence est une présidence de transition... La logique voulait qu'elle échoie à un généraliste ou est-ce un hasard?

Dr Luc Herry: Il n'y a pas vraiment de logique. Il fallait un médecin ayant des disponibilités et qui connaît bien cette matière si complexe des soins de santé. J'ai une certaine expérience. Mais je suis toujours resté dans l'ombre. Je n'avais pas de poste important. Maintenant je suis dans la lumière. C'est beaucoup plus éreintant bien entendu.
 

Allez-vous pouvoir d'ici mai-juin (date des élections médicales et de la fin de votre mandat de transition) lancer de nouveaux dossiers à long terme?

Il y a une continuité dans la défense syndicale qui est organisée depuis turelure. Il faut donc continuer. J'ai cependant, peut-être, une vision différente. Je vais continuer à marquer mon empreinte. On a beaucoup de chantiers en route. Notamment la réforme de notre mode de fonctionnement lancé par Philippe Devos. Il faut que nous soyons plus opérationnels. Il ne faut pas perdre du temps avec des choses inutiles. Il faut revoir le statut des syndicats en fonction de la nouvelle législation en 2024.
 

Médecine générale

Vous avez constaté que votre mode de fonctionnement pourrait gagner en efficacité?

Oui. Mais aussi en transparence. Et du respect par rapport à nos confrères. Pour ma part, j'ai oeuvré déjà au niveau de l' "Absym Wallonie". On a fusionné les deux chambres syndicales wallonnes des médecins depuis un an et demi, c'est déjà une belle réussite.
 

Vous sentez la différence?

Complètement. Surtout tenant compte du fait qu'on est toujours en période Covid-19. Au niveau de l'Absym Wallonie, le système des chambres syndicales était vieillissant. On parlait des provinces (ndlr: Chambre Liège-Luxembourg, Chambre Hainaut-Namur-Brabant wallon). Les gens ne s'y retrouvaient pas vraiment. Maintenant, nous avons l'Absym fédérale, l'Absym Wallonie. C'est plus clair.
 

Allez-vous profiter de ce court mandat pour mettre l'accent davantage sur la médecine générale, faire avancer des dossiers en la matière ? Même si l'Absym est paritaire, vous êtes quand même généraliste...

C'est certain... Je constate d'ailleurs que la médecine en général est mal ficelée et mal financée. À force d'avoir fait des économies depuis maintenant 20 ou 30 ans, on arrive au bout du bout. Le secteur hospitalier est en difficulté. Les médecins hospitaliers subissent des prélèvements excessifs. Les médecins généralistes, on leur demande beaucoup. Notamment d'être plus performants dans les dossiers informatiques. Ça prend du temps. Et ce temps est peu rémunéré. Au niveau financier, le MG ne s'y retrouve plus.
 

La crise Covid-19 a tout de même mis les hommes politiques sur la défensive... Aucun n'oserait encore aujourd'hui proposer des économies. La Commission spéciale Covid-19 de la Chambre (lire notre dernière édition) a demandé de nouveaux investissements et exigé un suivi de ses recommandations. Pensez-vous que la pandémie peut paradoxalement contribuer à améliorer les conditions de travail des médecins et leurs rémunérations ?

Le Covid-19 a en tout cas montré notre efficacité. Le système de santé belge a démontré qu'il pouvait faire face. Et les médecins ont montré qu'ils savaient prendre leurs responsabilités. Les confrères se sont beaucoup donnés pour une rémunération moindre. Le " trend " 2020-2021 et négatif pour les dépenses (ndlr : lire jdM n°2685). Le gouvernement a eu des frais importants : les tests, la vaccination, etc. Nous ne sommes pas responsables. C'est la pandémie. Le budget Covid-19 est heureusement mis à part.

 

Mais le trend honoraires médicaux est négatif et de manière importante. Nous voudrions bien le récupérer. L'origine est la baisse des actes, encore plus en médecine spécialisée. Pour le budget 2022-2023, nous demandons un rééquilibrage, un rattrapage. Beaucoup de médecins donnent des emplois à des salariés... Ceux-ci sont toujours payés, ils ont leur indexation, toujours complète, plus élevée et ils ont une ancienneté. J'ai toujours eu du mal à accepter que, bien qu'indépendants pour la plupart, nous n'ayons pas d'ancienneté... Les autres indépendants (Horeca, commerce etc.) peuvent augmenter leurs tarifs pour compenser le coût de la vie. Les médecins ne peuvent pas. Notre index est raboté... Tout cela est lourd au bout de plusieurs décennies. Le personnel qu'on engage, a droit à son ancienneté et l'indexation, c'est quasi 40% sur le long terme...

 

Financement et nombre de voix

Au niveau du financement des syndicats, Maggie De Block ne semblait pas très convaincue de votre utilité. Avec Frank Vandenbroucke, cela change-t-il les choses dès lors que les médecins se sont rendus très utiles pendant la pandémie ?

Depuis 2019, nous constatons une amélioration du financement. Maggie De Block avait diminué la subvention en fonction de la baisse du nombre de votants aux élections médicales. Elle n'avait pas augmenté le financement par vote. Et comme le vote n'est pas obligatoire, c'est compliqué... Faut-il le rendre obligatoire ? On verrait les choses autrement... Nous avons rediscuté avec Jo De Cock d'une amélioration du financement. On l'a obtenue et nous sommes revenus aux bases précédentes. Maintenant, c'est indexé... Mais cela reste riquiqui.
 

L'idée d'un directeur opérationnel à l'Absym, c'est toujours dans l'air ?

Oui. On a besoin d'être secondé. Les réunions sont nombreuses. Il faut être attentif à un paragraphe par ci par là. Tout ça est chronophage.
 

Ce serait plutôt un " civil ", juriste par exemple ou tout de même un médecin ?

Cela pourrait être un médecin car il aurait une vision médicale. Cela peut aider. On n'a pas encore décider du profil. Mais avec le nombre de réunions tous azimuts, nous aurions besoin, non pas d'un directeur opérationnel, mais deux personnes. Avec le profil demandé, c'est deux fois 150.000 euros brut patronal par an. Cela fait 300.000 euros...
 

Au niveau financement justement, récemment, vous avez réclamé des élections médicales " plus justes ", étant donné l'éternel problème de AADM...

On réclame que tous soient sur un pied d'égalité. Le Cartel et l'Absym couvrent tout le pays. Nous sommes présents dans les trois Régions. Et même dans la région germanophone. Au niveau communication, cela entraîne des frais. Il y a le problème des traductions. Un syndicat sur une seule région et défendant seulement les MG, a des coûts moindres. C'est inéquitable.
 

N'était-ce pas une création de Ri De Ridder, lui-même proche sur SPA (actuellement Vooruit) ? Et donc Frank Vandenbroucke souhaite qu'AADM subsiste, j'imagine ?

Sans doute. C'est un syndicat plus proche de sa vision... C'est toujours le principe diviser pour régner. L'AR de 2018 prône 10% minimum de présence dans une autre région. Je serais partisan de cet AR de 2018 mais qu'une présence minimum de 10% des membres soit exigée dans toutes les régions (excepté la Région germanophone)...

 

Nicolas de Pape

Source: Le Journal du Médecin

 

À propos de l'ABSYM

Nous défendons une médecine libre avec un modèle de rémunération à l'acte, complétée par des forfaits.

Par exemple, en médecine générale, nous défendons toutes les formes de pratique et pas seulement les pratiques de groupe multidisciplinaires comme nos concurrents.

Le médecin généraliste solo doit pouvoir garder sa place.

En ce qui concerne les spécialistes, nous défendons tous les spécialistes y compris ceux qui exercent en dehors de l'hôpital.