Lettre ouverte de l'ABSyM: Obligation du tiers payant

29 avril 2015

Peut-on accepter qu’au moment où le gouvernement va être obligé de réaliser de nouvelles économies, il instaure un système qui engendre à coup sûr le gaspillage ?

                                                                                              Bruxelles, le 28 avril 2015

 

Lettre ouverte

                                  

Madame, Monsieur,

 

L’obligation de tiers payant (TP) pour les consultations des médecins généralistes en ce qui concerne les bénéficiaires du régime préférentiel (BIM) est prévue par la loi mais a été retardée de six mois à savoir, du 1er janvier 2015 au 1er juillet 2015.

 

Cette mesure a été justifiée par des raisons techniques. Le système informatique des mutuelles n’était, en effet, pas prêt.

 

Il n’empêche que ce report a été présenté par le gouvernement comme une économie et a été engrangé dans les économies qu’il était nécessaire de réaliser. Cette économie a été chiffrée à 52 millions d’euros en année pleine (soit, en l’occurrence, à 26 millions d’euros pour 6 mois).

Il est donc clair que l’introduction de cette mesure aura un coût. Il faut donc que cette dépense en vaille la peine sur le plan social. Or, il est plus que probable que les chiffres avancés soient sous-évalués.

 

Ce coût devrait couvrir les consultations supplémentaires correspondant à celles reportées par les malades qui ne peuvent en avancer le montant même s’ils sont remboursés rapidement. Cette justification pourrait être acceptable mais elle est à la fois infondée et ne tient pas compte de l’inflation de consultations que le TP peut engendrer.

 

En effet, le retard de consultation motivé par le coût à avancer est aussi justifié par les dépenses que le patient devra faire une fois qu’il sera dans le parcours médical (médicaments, examens complémentaires, pertes de revenus du fait de l’incapacité de travail…). Le TP en lui-même ne diminue en rien les frais que le patient doit débourser.

 

De plus, ces situations difficiles sont souvent résolues par le médecin. Certains pratiquent le TP, d’autres pratiquent un paiement différé qui permet au patient de ne rien avancer et dont les statistiques des mutuelles n’ont nulle connaissance. Nombre de médecins font des consultations gratuites pour des patients nécessiteux sans que cela ne fasse une quelconque publicité de la part de la presse.

 

Les mutuelles, apparemment si soucieuses des besoins sociaux, n’ont d’ailleurs aucunement manifesté leur souci de ces patients qui ne sont pas leurs affiliés. Les SDF et autres sans abri constituent un souci pour les médecins mais ne semblent pas l’être pour les mutuelles.

 

Le vrai enjeu est de savoir si la profession médicale doit rester une profession libérale. Pour les mutuelles, la réponse est non. En ce qui nous concerne, nous considérons que le médecin est au service de l’individu avant d’être au service de la société. Pas plus que les journalistes et les avocats, ils ne peuvent perdre leur indépendance. C’est une question de principe éthique et de droit humanitaire.

 

En outre, ce qui inquiète les médecins, c’est tous les autres qui pourront consommer pour un oui ou pour un non sans responsabilité. La gratuité - c’est une notion bien connue - n’est pas compatible avec l’accessibilité et la qualité. Elle n’est pas compatible avec le respect non plus, le minimum qu’un médecin généraliste puisse attendre. On risque ainsi de voir une inflation de consommation inutile.

 

Mes confrères me disent d’ailleurs que dans de nombreuses circonstances, ils voient plusieurs membres de la famille, en comptant une seule consultation. Pourquoi  le feraient-ils encore si le patient paie avec des vignettes ?

 

Loin d’un coût de 52 millions déjà important en période de disette, le risque est grand de voir exploser les dépenses. Or, l’actualité nous parle d’un dérapage, rien que dans la sécurité sociale, de 800 millions d’euros. De nouvelles économies sont en vue.

 

Peut-on accepter qu’au moment où il va être obligé de les réaliser, le gouvernement instaure un système qui engendre à coup sûr le gaspillage ?

 

En ce qui concerne les médecins, ce système aura d’autres inconvénients d’un point de vue administratif et de contrôle. La relation médecin/patient en sera altérée.

 

Vous devez donc comprendre que les médecins vous demandent instamment de modifier la loi. S’ils sont tout à fait partisans de faciliter l’accès aux soins aux patients les plus démunis, ils doivent en rester les meilleurs juges et le tiers payant doit être facultatif.

 

En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien accorder à la présente, veuillez croire, Madame, Monsieur, à l’expression de mes sentiments les meilleurs.

 

Docteur Roland LEMYE

Président

À propos de l'ABSYM

Nous défendons une médecine libre avec un modèle de rémunération à l'acte, complétée par des forfaits.
Par exemple, en médecine générale, nous défendons toutes les formes de pratique et pas seulement les pratiques de groupe multidisciplinaires comme nos concurrents.

Le médecin généraliste solo doit pouvoir garder sa place.

En ce qui concerne les spécialistes, nous défendons tous les spécialistes y compris ceux qui exercent en dehors de l'hôpital.