Lettre ouverte au Ministre Frank Vandenbroucke et au Commissaire COVID-19, Pedro Facon
A l’attention de Monsieur Frank Vandenbroucke
Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique
A l’attention de Monsieur Pedro Facon
Commissaire COVID-19
Bruxelles, le 26 novembre 2020
LETTRE OUVERTE
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Commissaire,
A chaque vague, le coronavirus a malheureusement obligé le système de santé à faire le choix de limiter l’accès aux soins aux malades les plus critiques. L’occupation des lits hospitaliers par les malades du COVID-19 et le surcroît de travail induit par cette pathologie a plongé le reste de l’activité médicale en hibernation.
Les dégâts liés à cette priorisation lors de la première vague commencent à se chiffrer :
- 5000 sous-diagnostics de cancer selon la fondation contre le cancer, dont 22% rien que pour le cancer du côlon ;
- 47% d’admissions hospitalières en moins durant la première vague ;
- 70% d’opérations chirurgicales en moins durant la première vague.
L’ABSyM vous avait déjà sensibilisé au premier semestre au risque d’une vague intercurrente de décès liés aux pathologies non-COVID-19 mises de côté.
L’inter-vague n’a malheureusement pas été suffisamment longue pour rattraper le retard pris. De nombreux patients ont vu leurs examens ou hospitalisations une nouvelle fois reportées.
En début de deuxième vague, la croissance exponentielle et hétérogène sur le territoire des admissions hospitalières a mis à mal les hôpitaux de certaines provinces du pays. Ces hôpitaux étaient sur le point de s’asphyxier et les transferts étaient devenus la seule solution pour éviter que leurs nouvelles admissions ne suivent le même chemin de l’asphyxie. Afin de permettre une répartition homogène des hospitalisations COVID-19 au sein du pays, le Gouvernement, par l’intermédiaire de l’HTSC « Hospital Surge & Transport Capacity Group » a pris la meilleure des mesures possible : l’arrêt de l’activité hospitalière programmée.
Toutefois, la transportabilité des malades sévères était un enjeu sous-estimé et l’équilibration parfaite du volume de patient n’a pu pleinement aboutir.
Nous sommes désormais dans la phase descendante de cette 2e vague. L’hétérogénéité d’occupation s’est encore accrue. Certains hôpitaux sont déserts et leur personnel est mis à l’arrêt. D’autres sont toujours sous tension mais n’ont pas la possibilité de transférer leurs malades, non par manque de disponibilité de lits dans les autres hôpitaux mais par risque trop important lié aux conditions de transport des malades.
Il y a donc, dans le pays, des endroits où infrastructure et personnel sont disponibles pour traiter plus que des patients dits « essentiels » (à risque de décès à court ou moyen terme, à défaut de traitement). Dans beaucoup d’endroits, cette disponibilité n’enlève pas la disponibilité pour l’accueil de patients COVID-19 émanant d’autres hôpitaux, tant cette disponibilité est grande.
Parfois, pour garantir cette double disponibilité, le critère de choix du « plus malade » n’est pas adapté : les compétences respectives du personnel font qu’on peut très bien décider de ne pas se lancer dans des chirurgies complexes par partage du personnel qualifié pour ces tâches avec le service de soins intensifs. Tandis qu’à coté, un personnel autrement qualifié pourrait relancer un programme complet d’hôpital de jour incluant, par exemple, la reprise du dépistage des cancers du côlon par coloscopie. De plus, ces activités de patients peu sévères sont associées à des durées de séjours inférieures à 3 jours, ce qui permet de rapidement vider à nouveau l’hôpital en cas de remontée significative des admissions. La motivation d’interdiction de cette activité au prétexte d’une éventuelle remontée est donc caduque.
Certes, ces patients n’ont pas de pronostic vital engagé à court ou moyen terme. Ils ont cependant des souffrances physiques ou psychiques non soulagées actuellement. Ce sont ces souffrances qui ont motivé ces patients à consulter et qui ont motivé le médecin à décider de l’hospitalisation. Le médecin a un devoir éthique de bienveillance vis-à-vis du malade, qu’il ne remplit pas en poursuivant une abstention de soins. Lorsque les moyens techniques et humains sont localement inutilisés, que les admissions de patients plus sévères peuvent rester garanties, ce serait une faute professionnelle et morale de ne pas mettre en œuvre les soins à ces patients moins essentiels.
C’est la raison pour laquelle, dans chaque province du pays, des hôpitaux ont repris ces activités. Ceci a été rapporté aux inspecteurs provinciaux d’hygiène et l’association de patients LUSS le rapporte également clairement aujourd’hui dans la presse. Tant que cela ne limite pas l’accueil aux patients plus sévères, l’ABSyM ne voit pas de raison éthique de s’y opposer. Que du contraire.
Or, la circulaire gouvernementale HTSC de jeudi dernier donne l’ordre aux hôpitaux de poursuivre l’abstention de soins à ces malades moins essentiels, quelle que soit la capacité d’accueil existante. L’ABSyM ne peut adhérer à cette injonction.
L’ABSyM demande une autonomie conditionnelle des infrastructures hospitalières : les hôpitaux doivent pouvoir individuellement redémarrer toute activité qu’ils jugent redémarrable en accord entre le directeur médical et le conseil médical, à la condition exclusive qu’ils affichent en permanence un nombre minimal de lits disponibles sur l’ICMS (seuil minimal à définir par l’HTSC). Ce seuil minimal permet de garantir que les hôpitaux actuellement sous tension puissent continuer à bénéficier d’une solution de rééquilibrage des patients COVID-19, tout en autorisant la reprise des activités programmées et ce, dans l’intérêt des patients.
Le maintien de ce seuil permet également, en cas de remontée des admissions, de garantir une gestion dynamique des admissions/sorties. Cette approche orientée vers l’efficience du système hospitalier permet de garantir le plus grand accès aux soins pour tous. Cela reste, nous l’espérons, notre objectif commun.
L’ABSyM insiste pour que cette proposition soit suivie et mise en place encore cette semaine.
Dr Philippe DEVOS,
Président
À propos de l'ABSYM
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Par exemple, en médecine générale, nous défendons toutes les formes de pratique et pas seulement les pratiques de groupe multidisciplinaires comme nos concurrents.
Le médecin généraliste solo doit pouvoir garder sa place.
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