"Les médecins spécialistes extra hospitaliers sont exclus de la feuille de route" (Dr J. de Toeuf)
Le gouvernement a défini les objectifs à réaliser en cours de législature. Un des blocs de la construction programmée sera la définition d'un nouveau modèle de gestion de l'assurance maladie. Un autre bloc est la promotion de la collaboration inter métiers via le renforcement de la première ligne. Les médecins spécialistes extra hospitaliers sont exclus de la feuille de route ...
Un des blocs de la construction programmée sera la définition d'un nouveau modèle de gestion de l'assurance maladie. C'est la mission confiée au Comité de l'assurance qui prépare une trajectoire budgétaire 2022-2024 visant à stabiliser les dépenses et budgets pour atteindre des objectifs chiffrés orientant le système des soins de santé, et à préciser les actions à entreprendre : les soins appropriés. Nous y reviendrons le mois prochain.
Un autre bloc est la promotion de la collaboration inter métiers via le renforcement de la première ligne.
Les hôpitaux sont mentionnés pour la forme, qui s'organisent sans moyens suffisants en réseau pour une offre de soins diversifiée avec concentration de certaines activités et collaborations transmurales avec le secteur ambulatoire.
La première ligne renforcée concerne toutes les professions de santé ambulatoire : médecins généralistes, infirmiers, kinés, pharmaciens, logopèdes, dentistes, etc. Les médecins spécialistes extra hospitaliers sont exclus de la feuille de route : pour les créateurs de cette intégration multidisciplinaire, la place du spécialiste est exclusivement dans l’hôpital où on l’autorise à y tenir des consultations. Et donc est privilégiée la formule du NHS ou de l’OMS, encore que celle-ci promeuve la présence de gynécologues, pédiatres et ophtalmologues au sein des soins de santé primaire.
L'intégration et la multidisciplinarité étant posées comme l'architecture de base, quelles sont les conséquences et les nécessités ? Cette offre de soins particulière impose des liens collaboratifs serrés entre les métiers, les acteurs étant des individus ou des groupes de prestataires (groupements de médecins généralistes, maisons médicales - les privilégiés des ministres -, groupement infirmiers, etc.). Il faudra créer une infrastructure IT puissante, des applications robustes.
Un tel réseau pourrait être purement virtuel, les professionnels se choisissant entre eux selon leurs affinités. Mais il ne fait pas de doute que des implantations de proximité dans les quartiers verront le jour. Par conséquent il faudra dégager des financements pour les infrastructures, l'administration, la comptabilité, la facturation en tiers payant (ce sera la règle), le case manager (un employé de mutuelle ?), l'assistance sociale, la nutrition (diététique), le psychologue.
L'expérience des Postes médicaux de garde montre l’énorme part des coûts d'exploitation. Soulignons que nombreux sont les métiers et fonctions qui aujourd'hui ne font pas l'objet d'intervention de l'Assurance Maladie Invalidité, et seront demain à charge de ces nouvelles entités.
Où trouver l'argent ? Deux pistes existent : l’une y consacrer une partie de la norme de croissance, l’autre supprimer les barrières silos, donc mettre en commun les budgets des professions concernées dans un grand pot commun qui distribuera les moyens au personnel concerné, que ceux-ci bénéficient ou non aujourd’hui du financement INAMI. Chacune des deux pistes aura des conséquences budgétaires sur des secteurs différents.
D’une part, la mise à disposition de la norme de croissance pour cette intégration a pour corollaire que la croissance en volume des autres prestations, jusqu’ici couverte par cette norme de croissance - pour l'essentiel les actes techniques des spécialités et autres professions - estimée à 2 à 3 % par an, ne sera plus couverte par le budget des soins de santé. Comme la participation du patient ne peut augmenter, le dépassement budgétaire des secteurs hors première ligne sera mis à leur charge c'est-à-dire que les honoraires seront progressivement diminués.
D’autre part, la mise en commun des ressources (suppression des silos) pour payer tous les frais de cette première ligne rénovée se traduira évidemment par une perte de revenus pour les médecins généralistes (depuis 2019 : 1,3 milliards consultation et visites ; 2,5 milliards tout compris) et les infirmiers (1,7 milliard en 2020).
Il sera nécessaire de ne pas décider de financer a priori tous ces coûts sans se poser au préalable la question de la plus-value, du rapport efficacité / coûts de ces concepts.
Et il faudra définir les justifications du recours à la multidisciplinarité. Elles paraissent plus simples à démontrer pour le suivi de certaines pathologies chroniques, sans qu'il faille pour cela disposer de structures physiques permanentes. Elles ne sont pas évidentes pour les situations classiques de soins à domicile post séjour hospitalier ou post accouchement. Le recours au modèle multidisciplinaire doit être limité aux situations qui nécessitent une mise en commun de l’expertise des professions pour une pâtient ou une pathologie bien circonscrite.
Et si le choix est posé d'implantation de centres ambulatoires de première ligne, pourquoi ne pas inclure dans la réflexion les nombreuses polycliniques de ville où des spécialistes, des médecins généralistes, des infirmiers et des kinés travaillent déjà ensemble ? Une mise à l'écart sans autre forme de procès des spécialistes extrahospitaliers constitue une discrimination injustifiée, si ce n'est par un a priori idéologique.
Dr Jacques de Toeuf
Source : Le Spécialiste
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