Les médecins généralistes ne sont pas responsables de la consommation élevée d’antidépresseurs
En lisant l’article dans L’Echo, on ignore exactement combien de médecins prescrivent « un nombre extrêmement élevé » d’antidépresseurs. Le journal ne donne pas de chiffres, seulement des pourcentages : « L'an dernier, le généraliste moyen a prescrit des antidépresseurs à 11,7 % de ses patients. Les 5% de médecins les moins regardants en prescrivent quatre fois plus ».
Il existe effectivement une forte consommation d'antidépresseurs en Belgique, mais pas qu’en Belgique : l’usage de psychotropes augmente partout en Europe. Il ne s’agit donc pas d’un phénomène unique chez nous. La consommation dans notre pays est inférieure à celle de certains autres pays européens. Mais jetons d’abord un coup d’œil aux chiffres les plus récents de l’INAMI.
Selon le rapport de la cellule soins efficaces de l’INAMI[1], publié le 2 novembre 2024, on peut lire qu’ 1 333 899 patients se sont vus prescrire des antidépresseurs en 2023. Cela correspond à 11,58% de tous les patients. Leur âge moyen est de 57,81 ans et la consommation d'antidépresseurs augmente linéairement avec l'âge.
Trop facile
Les antidépresseurs sont nettement plus prescrits aux femmes et aux patients qui ont droit à une intervention majorée. Le rapport indique que sur 20 130 prescripteurs, 15 844 ont prescrit des antidépresseurs. Sur les 2 379 psychiatres prescripteurs, 2 110 ont prescrit des antidépresseurs.
Il est trop facile de pointer du doigt les médecins généralistes. Les chiffres concernant les médicaments psychotropes indiquent une augmentation des problèmes de santé mentale tels que la dépression et les troubles anxieux. Et les médecins généralistes sont en première ligne de la santé mentale. Ils sont souvent les premiers prestataires de soins auxquels s'adressent les personnes souffrant de troubles psychologiques.
Il est injuste aussi de les accuser de sur-prescription, car en pratique, ils n’ont souvent que peu d’alternatives. La situation est complexe et plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. En effet, l’accès à l’aide psychologique dans notre pays est limité. Les listes d'attente pour les psychologues et les psychiatres sont très longues, de sorte que dans de nombreux cas, la prescription d'antidépresseurs constitue la seule option viable à court terme.
Actuellement, le contexte social général d’incertitude, de solitude mais également de guerre auquel nous sommes confrontés ont un effet négatif sur la santé mentale. Les conséquences de la crise du Covid et la pression croissante à la performance sont aussi des facteurs dont il faut tenir compte.
Une responsabilité partagée
Il faut donc aborder ce problème social de manière bien plus large, à responsabilité partagée et rechercher des solutions communes : un meilleur accompagnement des médecins généralistes et davantage de moyens pour la prise en charge psychologique afin que les patients aient accès à diverses options de traitement. Rendre coupables les médecins généralistes serait trop facile et déplacé.
L’ABSyM déplore que les médecins généralistes soient si souvent critiqués par la presse. Ils méritent plus de respect et de valorisation. Que se passerait-il s’ils prescrivaient moins de psychotropes ? Davantage de suicides et d’admissions dans les services psychiatriques des hôpitaux, est-ce là la solution ?
Que tous ceux qui contribuent à l’image négative des médecins généralistes prennent leurs responsabilités et réfléchissent aux conséquences de leur comportement. Ces critiques négatives envers les médecins doivent cesser.
Dr Jos Vanhoof
Dr Johan Blanckaert
[1] Antidépresseurs. Analyse de la répartition et de l’évolution de la consommation en volumes et dépenses par assuré en Belgique (analyses et tendances par région, province et arrondissement) pour 2023 : https://www.belgiqueenbonnesante.be/images/INAMI/Rapports/RAPPORT-FR-An…
À propos de l'ABSYM
Nous défendons une médecine libre avec un modèle de rémunération à l'acte, complétée par des forfaits.
Par exemple, en médecine générale, nous défendons toutes les formes de pratique et pas seulement les pratiques de groupe multidisciplinaires comme nos concurrents.
Le médecin généraliste solo doit pouvoir garder sa place.
En ce qui concerne les spécialistes, nous défendons tous les spécialistes y compris ceux qui exercent en dehors de l'hôpital.