Le pharmacien qui voulait jouer au docteur (Dr David Simon)
L’article de Medi-Sphère intitulé « Une application en pharmacie pour le coaching et le suivi du patient diabétique » démontre que les mises en garde de l’ABSyM au sujet de la stratégie mise en œuvre par l’APB (le syndicat des pharmaciens belges ) sont fondées. En effet, grâce à cette application, les pharmaciens pourraient accéder à des compétences jusqu’ici légalement réservées au médecin.
Si les pharmaciens d’officines ne se montrent pas vraiment enthousiastes à cet égard, la société Multipharma fait le premier pas avec « une étude visant à démontrer les bénéfices d’un coaching de patients diabétiques de type II par le pharmacien ».
Exit le médecin généraliste qui sera simplement « informé à l’inclusion du patient dans l’étude » et purement et simplement remplacé par une « unité de pratique intégrée » composée d’un endocrinologue et d’un pharmacien.
Menée auprès d’une cohorte de cent patients, cette étude de six mois se limite au suivi à distance des glycémies capillaires et de la compliance au traitement. Son évaluation scientifique se résume à la mesure du taux d’hémoglobine glycosylée au début et à la fin de l’expérience.
Donner l’illusion au patient que le suivi de son diabète est de la sorte pris en charge dans sa globalité par un pharmacien représente un dangereux abus de la confiance du patient et peut-être source de complications.
Prendre en charge le suivi d’un patient diabétique de type 2 dans sa globalité ne s’improvise pas. C’est même l’une des missions les plus complexes du médecin généraliste. Le patient diabétique souffre le plus souvent de comorbidités intriquées qu’il est capital de dépister, de soigner et de suivre sans délai. Le sentiment de sécurité que lui inspirera le suivi de son diabète par un pharmacien éloignera le patient de l’expertise de son médecin généraliste au risque de laisser apparaître et s’aggraver des problèmes dont la prise en charge par le médecin généraliste sera au mieux retardée et au pire éliminée.
Une lourde crise économique touche les pharmaciens dont le chiffre d’affaires s’est effondré depuis que les pharmacies en ligne distribuent les produits de parapharmacie à vil prix. La tentation est grande pour leur syndicat de tenter de renflouer les revenus des pharmaciens, en revendiquant la reconnaissance légale de leur accès à des compétences jusqu’ici exclusivement réservées au médecin.
La littérature grouille de publications rédigées par des pharmaciens qui tentent de démontrer l’intérêt d'attribuer aux pharmaciens, des compétences telles que :
- la vaccination
- le dépistage des maladies chroniques
- la surveillance des indicateurs biologiques en lien avec les médications
- la surveillance de l’apparition de problèmes de santé résultant des médications
- l’adaptation de la posologie de médications à l’évolution clinique et biologique
- le renouvellement sans prescription de médications chroniques
- l’interruption de médications chroniques sans avis médical
- le traitement de problèmes de santé réputés « bénins » sur base de l’anamnèse
- la délivrance libre de médications actuellement soumises à prescription médicale
- le statut d’« avant-première ligne » qui juge si un patient doit ou non consulter un médecin
Les représentants des pharmaciens déploient une énergie folle pour convaincre les représentants de notre profession d’accepter cette OPA sur la médecine générale. Et le moins qu’on puisse dire est qu’ils y parviennent. Au sein de la plate-forme de première ligne wallonne où s’échafaude l’avenir de la multidisciplinarité, le GBO place en première place de ses priorités le fait de «faire évoluer les réflexions vers plus de partage des tâches (principe de subsidiarité) au sein de la première ligne». Dans tous les lieux de décision, ce syndicat soutient fermement la revendication des pharmaciens d’accéder à un nombre croissant de données de nos dossiers médicaux.
Il est important de noter que l’accord de gouvernement du 30 septembre 2020 annonce cette révolution : «Il convient de continuer à les soutenir dans leur rôle de gardiens et de coaches de notre système. Cela vaut aussi pour les pharmaciens avec qui le gouvernement poursuit sa réflexion sur le futur rôle de cette profession»
Gageons que ce premier pas franchi par la société Multipharma ouvrira les yeux des médecins généralistes sur le risque insensé que lui font courir les représentants de la profession qui soutiennent cette conquête des compétences du médecin par le pharmacien. L’ABSyM quant à elle fera tout pour lui faire obstacle.
Dr David Simon
Source: Medi-Sphère
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