WWW.DATANEWS.BE NR 14 • 21/9/2012
OPINION
“Un mal nécessaire”, répond le médecin P50 quand vous lui demandez ce qu’il/elle pense du dossier médical électronique. Son collègue P10 réagit de manière hargneuse: “Le DME? Regardez aux Pays-Bas et en Allemagne. Les Allemands n’instaureront jamais un dossier médical électronique en raison du risque d’utilisation d’un numéro d’identification unique, ce que la constitution interdit à cause des expériences tristement célèbres sous le régime nazi. Et le politique aux Pays-Bas a jeté l’éponge fin 2011 face à la levée de boucliers des médecins, et particulièrement des psychiatres. Si les Pays-Bas veulent tout de même un DME, alors les prestataires de soins et les assureurs devront régler eux-mêmes le problème.” Le docteur P90 hausse les épaules: “Tout cela, c’est de la foutaise, grommèle-t-il, la sécurité est le maître mot. Les possibilités sont innombrables.
Les récalcitrants invoquent uniquement des prétextes pour tout garder comme avant. Un peu moins de paranoïa, svp.” Cette dernière opinion ne manquera pas de faire plaisir à Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne et Commissaire européenne responsable de la société de l’information et des médias, car elle veut de grandes entreprises TIC formant un contrepoids face aux Etats-Unis. Pour elle, le DME est un simple business pour lequel une loi de protection de la vie privée doit être prise pour toute l’Europe. Des propos audacieux dans le contexte de l’actuelle crise économique financière dans l’UE et, dans le contexte belge, cela revient à blasphémer dans l’église informatique. La Belgique francophone voit l’informatique de l’administration comme l’ennemi du patientcitoyen car le tout ne peut être sûr que si les médecins eux-mêmes organisent le DME. La Flandre voit le DME et l’informatique comme des outils impliquant des risques à garder sous contrôle, indépendamment de qui pilote le système. Les médecins ne craignent pas tant que Big Brother limiterait leur liberté thérapeutique, mais bien que toutes sortes d’instances puissent utiliser de façon abusive des données qu’ils consignent dans leurs dossiers dans le cadre d’une relation de confiance avec le patient: cela va d’employeurs jusqu’à des organismes publics en passant par des assureurs, qui feraient primer leurs propres intérêts sur ceux du patient. On notera en prime peut-être un brin de paternalisme de la part des médecins, pour qui même si le patient est majeur, il doit parfois être protégé contre lui-même, ce qui est probablement une utopie à l’ère de Twitter et de Facebook.