La représentation politique des médecins : un triple défi personnel, organisationnel et stratégique

15 septembre 2021

Au Président Philippe Devos, un énorme merci ! A l'époque on m'avait demandé d'être figure de proue de l'Absym. On ne savait pas qu'il y aurait une pandémie... et que nous serions sur de nombreux fronts pendant des mois. Oui, sur tous les fronts, le Dr Devos a été une figure de proue non seulement pour l'Absym, mais pour toutes les professions de la santé. Chapeau bas pour ce qu'il a fait et merci de nous forcer à réfléchir au défi de la représentation politique des médecins et dans la foulée, de tous les praticiens au contact direct des malades.

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Le défi personnel : cumuler trois vies.

Familiale, professionnelle, politique. Je ne veux pas mettre en péril ma vie professionnelle et ma vie familiale. Ces mots du Dr Devos doivent nous faire réfléchir. Administrateur des Chambres Syndicales pendant des dizaines d'années, je me suis souvent demandé comment faisaient nos leaders armés d'une connaissance encyclopédique des lois et règlements et capables de se montrer en forme dans d'interminables réunions.

Beaucoup d'entre nous se sont reposés sur le dévouement et l'enthousiasme de quelques-uns, au risque d'endormir nos efforts pour consolider dans la durée la force de représentation des médecins auprès des autorités. Non pas une force corporatiste, mais au contraire, une force de dialogue décomplexé, ouverte aux autres et aux problèmes de la société contemporaine. De tels efforts exigent de réfléchir ENSEMBLE , toutes associations de médecins confondues, aux moyens et aux fins de la représentation politique des médecins. Défi organisationnel pour les moyens, stratégique pour les fins.

 

Le défi organisationnel : permettre à nos représentants de cumuler trois vies

Pour y parvenir, la tentation est grande de professionnaliser toujours plus la représentation médicale. Mais nous tombons là dans le piège d'une contradiction mortelle : représenter une profession en cessant de la pratiquer, ce qui revient à vous couper très vite de ceux que vous êtes censés représenter. Deux solutions à ce problème. La première court derrière la fuite en avant de la spécialisation avec pour seul objectif un lobbying au service de sous-disciplines de plus en plus fragmentées. Cette voie simplifie grandement le travail des leaders puisqu'ils n'ont à se préoccuper que de leur technique et en outre, disposent souvent de soutiens extérieurs intéressés plus ou moins légitimement. Cette approche existe depuis longtemps et favorise indéniablement l'innovation diagnostique et thérapeutique.

MAIS elle a son revers : la négligence des fonctions généralistes (voir JDM N° 2646 du 15 octobre 2020), si importantes pour les aspects humains et sociétaux de la médecine. La représentation par spécialités ne résout en rien les questions éminemment politiques du bon usage des techniques et de leur juste prix, des divergences de vue entre scientifiques, des préférences personnelles et des tensions autour des enjeux d'intérêts. Car en définitive, la politique reste une approche globale, générale, de problématiques souvent locales, particulières.

Les médecins doivent s'entendre au-delà des types de pratiques et des idéologies pour mieux se mettre au service des malades individuels, de la qualité des soins et de la santé publique. L'autre solution vise donc une représentation la plus large possible. La loi très sage voulant qu'une organisation médicale représentative rassemble des généralistes et des spécialistes rencontre cette exigence, encore faut-il l'appliquer efficacement ! Les équipes professionnelles au service de nos figures de proue, non professionnelles (de la politique), devraient être davantage encouragées par des médecins les aidant à préparer les dossiers de nos négociateurs et leur épargner ainsi du temps.

Cette idée n'est pas nouvelle, malheureusement elle sonne comme un voeu pieux. Le défi organisationnel ne peut se résoudre que par un partage des tâches. Pour ne pas s'épuiser ni se disperser, il faut réduire le nombre et la durée des réunions, se focaliser sur des thèmes essentiels et ne pas suivre les cabinets ministériels et les administrations dans leur tendance à multiplier les discussions sans fin (cfr la Loi de Parkinson). Cela implique une vision stratégique des rapports entre les praticiens de terrain, la société civile et les autorités.

Sur tous les fronts, le Dr Devos a été une figure de proue non seulement pour l'Absym, mais pour toutes les professions de la santé.

Le défi stratégique : renforcer la confiance entre les médecins et leurs organisations

Consoeurs, confrères, votez pour vos organisations : message du Président Devos à ne pas oublier ! Le faible pourcentage d'électeurs aux élections médicales traduit la coupure si souvent évoquée entre les citoyens et la sphère politique, en l'occurrence ici, celle des leaders médicaux. Dès 1835, Alexis de Tocqueville (De la démocratie en Amérique), pressentait combien des corps intermédiaires capables de relayer les demandes de leurs bases au niveau des institutions politiques étaient une condition essentielle de la démocratie.
 
Voilà pourquoi, répétons-le, au-delà des frontières de toutes sortes, les médecins devraient se demander sur quels grands axes focaliser leur attention pour donner plus de sens et plus de valeur à leurs actes, non seulement de leur point de vue, mais aussi de ceux des malades et leurs proches, de leurs collègues soignants et des autorités. En espérant qu'une ouverture d'esprit largement répandue facilite les relais de messages audibles par toutes les parties, entre la base et le sommet du système des soins de santé.
 

Pour ma part, le signal du Dr Philippe Devos renforce ma volonté de poursuivre la série Philosophie et Médecine dans les colonnes du journal du Médecin. La quatrième Saison qui vient de commencer se consacre justement à la représentation politique des praticiens. Nul doute que la figure du Président Devos continuera à m'inspirer. Merci à lui !

Dr Jean Creplet

Source: Le Journal du médecin

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