Dr Patrick Emonts: « J’ai le sentiment que le ministre a une véritable défiance vis-à-vis des médecins »
« En quatre mois de présidence, je suis arrivé à élever le débat à l’ABSyM. J’ai voulu faire comprendre que notre syndicat est le défenseur de tous les médecins, et pas seulement d’une spécialité particulière. En clair, je ne préside pas l’ABSyM pour défendre uniquement les gynécologues. J’ai accepté ce mandat parce que je veux parler au nom de tous les médecins. Comme nous sommes dans une période tellement difficile pour la médecine, je dirais même effrayante pour la médecine libérale, nous devons porter une seule voix pour l'ensemble des médecins », soutient le président du syndicat médical.
Patrick Emonts précise que l’ABSyM défend autant les médecins spécialistes que les médecins généralistes, les médecins hospitaliers que les extra-hospitaliers.
Alerter l’opinion publique
Le parcours professionnel du président de l’ABSyM l’a sensibilisé aux différentes formes de pratiques médicales. « Je suis de l'ancienne génération. J'ai pratiqué la médecine générale pendant cinq mois avant de devenir gynécologue. J’ai fait des gardes et des visites à domicile. Et puis j'ai été médecin indépendant dans un cabinet privé. J'ai ensuite été “récupéré” par la structure hospitalière, mais en tant que médecin hospitalier indépendant au CHR de la Citadelle. Par après, je suis devenu médecin universitaire et salarié. J’ai géré un service hospitalier et été professeur à l’université. »
Homme de compromis, le Dr Emonts estime que la cohésion renforce le corps médical. « Je n’étais à mon poste que depuis deux mois, quand l’ABSyM a organisé un grand mouvement de grève. Cela n’avait pas été fait depuis plus de 25 ans », souligne le président de l’ABSyM. « Nos membres voulaient réagir face à l’avant-projet de loi du ministre. Frank Vandenbroucke n'écoutait absolument rien. Le reste de la majorité politique n'était pas sensible à nos arguments. Il fallait que les médecins expriment leurs craintes et sensibilisent les citoyens aux menaces qui pèsent sur les soins de santé. Rappelons que le mouvement a également été suivi par nos partenaires de soins, des dentistes, des kinés… L’impact de la grève a été de réussir à faire prendre conscience à la population des risques pour notre système de santé. J’ai été interpellé dans les commerces et à l’hôpital par des personnes qui m’ont dit : “Nous comprenons maintenant qu’il y a un véritable problème”. »
Et de souligner que plusieurs présidents de partis politiques, suite à l’importante mobilisation des médecins, ont sollicité les représentants de l’ABSyM pour discuter avec eux.
« Face au succès de la grève, le ministre s'est rendu compte que le mécontentement était élevé dans le corps médical. Et que, même lui, politiquement, devait un peu rétropédaler. »
J’ai le sentiment que le ministre a une véritable défiance vis-à-vis des médecin
Manque d’une véritable concertation
Le président de l’ABSyM regrette que le ministre de la Santé ne prenne pas le temps d’avoir de bons contacts avec le terrain. « Or, notre syndicat, parce qu’il regroupe tous les médecins, est un véritable interlocuteur. Comme les mutuelles qui disposent de nombreuses données et représentent aussi les patients. »
Le Dr Emonts dénonce aussi le timing irréaliste des réformes imposé par le ministre. « Il va au pas de charge. Mais pour réformer les soins de santé, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Trois réformes fondamentales ont été lancées : celles de la nomenclature, du financement hospitalier et celle de l’éventuelle limitation des suppléments d’honoraires. Le ministre se précipite en avançant des agendas avec des timings différents. On ne s'y retrouve plus ! Certains chantiers sont ouverts depuis longtemps. Comment le ministre compte-t-il connecter ces trois réformes fondamentales ? Comment installer un plafond si les murs n’ont pas été construits avant ? Si vous ne savez pas, dans la nomenclature, quelle va être la valeur des actes et des consultations, comment voulez-vous savoir ce qui est nécessaire ou pas dans la pratique médicale ? Par ailleurs, c’est effarant, parce que le ministre peut reprendre la main à tout moment et imposer ses règles. Et ça, dans un État démocratique, c'est inacceptable. »
Quant à la concertation, le président de l’ABSyM rappelle que le ministre a voulu organiser des réunions en juillet, durant les vacances, et qu’il a transmis un soir à 22 h 32 un document de 50 pages à étudier pour la réunion du lendemain.
Et de pointer aussi la fameuse lettre de mission dans laquelle le ministre, tout seul, décide de la ventilation des économies à réaliser dans les soins de santé. « Ce n'est pas le but de la lettre de mission. L’objectif de ce document est de fixer un cadre et de dire aux mutuelles et aux médecins qu’ils doivent réaliser des économies. » Et puis, ce travail de concertation doit remonter au Comité de l'assurance qui propose un budget, validé ensuite par le Conseil général de l’Inami.
Après quatre mois à la tête de l’ABSyM, le Dr Emonts pose son diagnostic : « J’ai le sentiment que le ministre a une véritable défiance vis-à-vis des médecins. »
Source: Le Spécialiste
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