Coronavirus : Armageddon ou Foutaise? Un an après, le Dr Devos se souvient
Voici près d’un an, le Dr Philippe Devos, président de l’Absym, attirait l’attention des autorités belges sur l’ampleur de la pandémie et les dangers d’engorgement dans les services d’urgence. Il revient sur son coup de gueule et le buzz qu’il a suscité.
Il évoquait des chiffres qui allait faire le buzz : 850 000 personnes infectées par le coronavirus en Belgique et plus de 30.000 morts. Conspué, moqué.... Un an plus tard, avec 757.696 cas confirmés de COVID-19 et 21.956 décès, les chiffres ne mentent pas.
Comment aviez-vous imaginé ces chiffres-là ?
«J’étais parti des chiffres annuels de la grippe et j’y avais appliqué le taux de mortalité du coronavirus à l’époque (0,3%) pour une population vieillissante comme la Belgique. L’âge de notre population risquait d’être un des vrais problèmes de cette crise selon moi. Cela s’est malheureusement confirmé. On paie le manque de médecine préventive dans notre pays depuis des dizaines d’années. »
Vous espériez vous tromper ?
« Ma grosse crainte était la saturation des soins intensifs...et je voyais une ministre qui parlait de risque individuel. Maggie De Block n’avait pas évalué ce risque. Elle a fait une mauvaise analyse du problème et je voulais attirer son attention. Je plaidais pour le lavage des mains et les distanciations sociales. Je n’ai jamais imaginé que pendant 6 mois les blocs opératoires du pays allaient être en stand by. »
Moins de morts que prévus ?
« En ayant aplati la courbe avec le lockdown et avec les traitements efficaces comme la dexaméthazone...aujourd’hui, on réduit le taux de mortalité. Heureusement. »
Vous aviez imaginé un lockdown ?
« Naïvement, je pensais que l’on allait juste passer un hiver difficile en 2020. Je n’ai pas imaginé un tel confinement. Je me suis planté à ce niveau. Je n’ai même jamais imaginé qu’il y aurait un lockdown. Des exemples avec Ebola montrent qu’il faut une adhésion complète de la population pour que cela marche...Je pensais qu’on allait juste fermer certaines manifestations et imposer la distanciation sociale. Le confinement et la fermeture de certains secteurs sont des mesures controversées et le sont toujours. Je n’ai jamais fait un plaidoyer pour des fermetures. »
Comment a-t-on pu laisser les médecins sans protection ?
« Je n’imaginais pas qu’une ministre avait grillé le stock stratégique des masques. Je ne pensais pas non plus que le plan pandémie H1N1 n’allait pas être retrouvé ni appliqué. Cette pénurie de masque a perturbé fortement les soins de santé et nous n’avons pas pu compter sur une bonne protection de la première ligne de médecins. Ils ont été obligés de réaliser des téléconsultations. Cela a provoqué un afflux massif vers les hôpitaux. On l’a d’ailleurs vu dans la seconde vague. La première ligne était mieux équipée et les patients ont pu être mieux pris en charge sur les surinfections. »
Comment les médecins sortent de cette crise ?
« J’ai beaucoup de confrères généralistes qui souffrent d’avoir dû abandonner leur patient pendant la première vague. Au niveau hospitalier, on a été engorgé par les cas. Cela a été aussi très difficile dans les blocs opératoires de devoir faire des choix entre les malades. Des médecins en ont souffert. »
Comment vous avez pensé à écrire ce coup de gueule ?
« Pendant les vacances de carnaval, j’étais avec une cinquantaine de connaissance en Italie, en Lombardie, au ski. Mon directeur médical, le Dr Philippe Olivier, m’appelle et me dit qu’il y a un foyer de coronavirus dans la région et qu’il me met en quarantaine à mon retour de vacances. Il me dit que ce n’est pas une petite grippe. Je n’étais pas content. Je commence des recherches sur la littérature le soir même pour défendre mon cas et lui expliquer que je comptais travailler à mon retour...et puis j’ai commencé à comprendre ce qui se passait en lisant. J’ai fait des calculs...et j’ai découvert qu’il avait entièrement raison. Le soir, j’en parle à mes collègues à table. Même eux pensaient qu’il s’agissait d’une grippe...d’autres personnes me posent des questions. J’ai donc décidé d’écrire un papier pour répondre à toutes les questions d’autres collègues. Le Spécialiste et Medi-Sphere ont repris l’article sur mon blog....et puis tout s’est enchaîné. Je tiens donc à rappeler que le lanceur d’alerte, ce n’est pas moi, mais Philippe Olivier. Il a vu juste comme 50% des directeurs médicaux du pays. »
Comment avez-vous vécu cette médiatisation ? Aviez-vous peur de vous tromper ?
« Je voyais que les pyramides des âges en Lombardie et en Belgique étaient les mêmes. Au fil des jours, j’avais des retours d’infectiologues et d’épidémiologistes qui me contactaient en privé et qui me disaient que mes chiffres étaient bons et qu’ils seraient même sous-estimés parce que lorsque j’analysais les chiffres de la grippe, je ne tenais pas compte du fait qu’il existait un vaccin. J’ai été au front et j’assume. Certains articles fin juin, dans le journal l’Avenir notamment, m’ont valu des injures et des menaces envers ma famille. Encore aujourd’hui, je reçois des injures. »
Le manque de vaccins aujourd’hui ?
« Voici un an que le virus en Europe et on a déjà un vaccin en un an. Cela donne un bon espoir. Il faut remettre les éléments dans leur contexte. »
Cette crise aura un impact sur l’Absym aussi ?
« J’espère que les médecins vont comprendre l’importance de notre rôle dans la défense de notre profession. On l’a encore montré. On a fait bougé les lignes. On a harcelé nos politiciens pour défendre les médecins. »
Va-t-elle enfin permettre d’améliorer le quotidien des jeunes médecins ?
«Là aussi, on a relancé le groupe de travail « médecins assistants candidats spécialistes » avec De Cock à l’INAMI. Je veux que l’on coule dans la loi toute une série de protections pour eux. On ne peut pas commencer une carrière de médecin dans des conditions aussi difficiles qu’actuellement. C’est le meilleur moyen d’être aigri pour le restant de sa carrière et c’est un désastre pour l’art médical. »
La bulle de « un » vous y croyez encore ?
« Je me demande s'il y a quelqu’un au sein du gouvernement qui l’applique. »
À propos de l'ABSYM
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Par exemple, en médecine générale, nous défendons toutes les formes de pratique et pas seulement les pratiques de groupe multidisciplinaires comme nos concurrents.
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