COMMUNIQUÉ DE PRESSE: Pourquoi les médecins tolèreraient-ils encore les reproches des autorités ?
C’est la question que s’est posée le dr Hilde Roels, l’ancienne présidente du Vlaams Artsensyndicaat (VAS), aile flamande de l’ABSyM dans une interview accordée à MediQuality. Elle porte un regard tranchant sur la numérisation de la médecine. Nous soutenons le mécontentement du dr Roels. L’ABSyM trouve cette situation intolérable.
Avec plus de votes encore, l’ABSyM pourrait peser plus lourdement face aux autorités. L’ABSyM insiste auprès de la Ministre pour que seuls des logiciels testés et dont le bon fonctionnement est assuré soient mis sur le marché.
Dr Marc MOENS
Président
Bruxelles, le 21 juin 2018
Ci-dessous, lisez l’interview complète du dr Hilde Roels publiée dans MediQuality le 15 juin 2018 :
Pourquoi les médecins tolèreraient-ils encore les reproches des autorités ?
ANVERS 15/06 – C’est la question que s’est posée la généraliste Hilde Roels en ce beau jour du mois de juin où elle a – comme tous ses collègues – été privée plusieurs heures durant de tout accès aux services d’eHealth.
« N’est-ce pas une honte que les autorités ne soient toujours pas en mesure de nous garantir le bon fonctionnement d’applications informatiques qui sont utilisées depuis des années ? »
« Je constate qu'on nous impose de nouvelles applications en les liant à des paiements forfaitaires changeants ou nouveaux. Les lignes d'aide sont toutefois surchargées, sous-staffées, trop peu disponibles et donc incapables de résoudre immédiatement les problèmes aigus qui se présentent, ce qui rend impossible une pratique professionnelle sereine.
Pour couronner le tout, on nous incite à participer aux élections médicales, mais le système est immédiatement en panne. Il y a de quoi se poser des questions sur la qualité des tests d'acceptation et de production de nos logiciels, mais aussi sur celle de la commission d'homologation… »
Des applications trop peu testées
Pour le Dr Roels, généraliste solo à Anvers, les applications informatiques des autorités, trop peu testées sur le terrain avant d'être rendues obligatoires, sont une source d'irritation constante. « Il est tout de même absurde d'attendre de nous que nous acceptions sans broncher de devoir atteindre un pourcentage donné pour avoir droit à une allocation alors que le système ne fonctionne pas correctement et que les feedbacks sur des erreurs ou des bugs restent sans réponse et, à plus forte raison, sans effet. L'absence de réponses est proprement scandaleuse : "Votre problème est connu, mais nous n'avons pas de solution". »
« Il me semble que nous sommes en droit d'attendre au minimum un peu plus de respect pour le travail du médecin et que les reproches et sanctions qu'on nous jette à la tête parce que nous n'utilisons – bien malgré nous – pas correctement ou pas suffisamment certains applications sont franchement malvenus. J'attends toujours des outils informatiques qui me faciliteraient la vie, mais pour l'heure, le TGV numérique et ses ratés restent surtout une source de stress… qui se répercute sur mes patients. »
Un point de contact en-dehors des heures de bureau
« Les médecins ne sont pas des spécialistes de l'informatique, ce n'est pas la voie qu'ils ont choisie. Ils attendent au contraire que les outils numériques soient testés jusqu'à ce que leur bon fonctionnement soit assuré : ce n'est qu'à ce moment qu'ils accepteront les nouvelles applications et qu'ils s'engageront pleinement dans l'informatisation. Pourquoi ne disposons-nous pas d'un point de contact suffisamment staffé et qui reste joignable en-dehors des heures de bureau ? Parce que c'est trop cher ? Pourquoi ne peut-on pas revoir à la hausse le budget dévolu à l'informatisation ? Allo, les ministres compétents, vous me lisez ? Pouvez-vous trouver une solution ? Et sans puiser dans le budget des médecins ! »
« Depuis cette année, nous avons le privilège, en sus de ce que nous payons déjà à notre fournisseur de logiciels, de nous acquitter de la modique somme de 12 euros par mois pour une licence Hector. Bien sûr, ce ne sont que quelques euros… mais une fois la porte ouverte, quoi de plus facile que d'augmenter ce montant lorsque les fonds sont épuisés ? Cette tactique, le corps médical la connaît : on commence par lancer un projet en le subsidiant, puis on ferme le robinet financier et les médecins n'ont qu'à y aller de leur poche. »
Cette année, l'allocation de base pour les utilisateurs d'une suite de logiciels médicaux passe de 1.500 à 1.000 euros et est de plus en plus détournée et couplée à de nouvelles obligations. Connaissez-vous un seul autre métier où il faut mettre la main au portefeuille pour pouvoir travailler lorsque les subsides ne suffisent plus ? »
Les belles promesses des autorités
« Je n'utilise par exemple pas encore les attestations électroniques parce qu'il n'existe pas de helpdesk immédiatement disponible et que je ne veux pas non plus que les patients me contactent parce que le remboursement n'est pas encore sur leur compte trois jours plus tard. Les belles promesses des autorités – l'année des élections, comme par hasard – ont un impact négatif sur l'emploi du temps des médecins de famille. Il est inacceptable que les médias en parlent comme si c'était un jeu d'enfant et que les médecins se retrouvent ensuite avec les problèmes sur les bras. Ce que nous voulons, c'est une ligne d'aide accessible pour clarifier et résoudre les prestations refusées et les messages d'erreur sans pertes de temps. »
Les syndicats partagés
Le Dr Roels a été présidente du VAS pendant plusieurs années à la fin des années 1990, mais c'est sa position personnelle sur les élections médicales qu'elle nous livre aujourd'hui. Après avoir longtemps assumé ses fonctions syndicales avec idéalisme, elle a en effet décidé qu'il était temps de tourner la page. « Les syndicats ne sont forts qu'à condition que les médecins aient conscience que leur représentativité est déterminée par leurs choix électoraux. Il y a un monde entre les aspirations des ministres et les réalisations sur le terrain. Nombre de médecins ont l'impression qu'on n'écoute pas leurs préoccupations, mais c'est justement pour cela qu'il est si important qu'ils participent à ce scrutin : cela permettrait aux syndicats de se rebeller un peu, plutôt que d'être forcés de rester dans les rangs. »
Le Dr H. Roels est généraliste solo à Anvers et s'exprime en son nom propre sur l'informatisation médicale et ses accrocs. Ancienne présidente du VAS, l'aile flamande de l'ABSyM, c'est également en son nom propre qu'elle nous livre sa vision des élections médicales.
Cette interview a été réalisée le 13 juin à Anvers, au lendemain d'une panne de plusieurs heures dans les services d'eHealth qui a suscité la colère de tous les utilisateurs. Entre-temps, les élections médicales ont repris.
Auteur: Sabine Verschelde
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