Communiqué de l'ABSyM: Maisons médicales: la médecine générale comme hamac ?

22 janvier 2018

L’audit relatif aux maisons médicales commandé par la Ministre De Block révèle bon nombre de dysfonctionnements.

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Bruxelles, le 22 janvier 2018


L’audit relatif aux maisons médicales commandé par la Ministre De Block révèle bon nombre de dysfonctionnements. Avec une moyenne de 673 patients par médecin généraliste, la charge de travail y est dangereusement faible. D’autant plus qu’il arrive également que certains médecins généralistes y forment 3 ou 4 médecins généralistes en formation (MGF), ce qui soulève des questions relatives à l’exposition de ceux-ci à la pathologie au cours de la formation. La continuité des soins en prend un coup et il ressort que le nombre de renvois vers d’autres dispensateurs de soins est peu, voire pas du tout, enregistré.


L’audit commandé à KPMG par la Ministre De Block donne une image démystifiante de la manière dont les maisons médicales (MM) travaillent. Un médecin généraliste équivalent temps plein (ETP) n’y traite en moyenne que quelque 673 citoyens/nes inscrit(es). Ces médecins sont confrontés à trop peu de pathologies pour entretenir leur expérience médicale. Calculé sur la base d’une charge de travail aussi faible, le territoire national entier aurait besoin de 16 716 médecins généralistes ETP, soit presque deux fois plus qu’actuellement. Il convient cependant de noter que les maisons médicales ont mis un terme à l’inscription de nouveaux patients, en avançant l’argument que « le nombre maximum de patients est atteint pour pouvoir continuer de garantir aux patients actuels la bonne qualité et la continuité des soins »[1]. Un cabinet de médecine générale néerlandais avec un encadrement comparable compte 2168 patients. L’association nationale des MG néerlandais (appelée Landelijke Huisartsenvereniging - LHV) souhaite diminuer ce nombre à 2095 patients, à partir de 2018[2].

 

Environ deux tiers (63%) des maisons médicales emploient un ou plusieurs MGF. Certains médecins généralistes forment deux, trois, parfois même quatre MGF dans la maison médicale dans laquelle ils travaillent. Cela fait réfléchir quant à la potentielle exposition aux pathologies et remet donc en question la qualité de la formation que ces médecins sont en mesure de proposer. L’expérience de la pratique leur importe apparemment peu. L’un des fils conducteurs que l’on retrouve tout au long de cet audit est la préoccupation nourrie par les médecins généralistes au sujet de leur propre équilibre vie privée/vie professionnelle. Cette mentalité ‘nine to five’ prédomine et ce, aux dépens du lien personnel qu’ils peuvent tisser avec leurs patients et aux dépens de la qualité des soins dispensés à ces derniers. La continuité des soins après les heures de bureau est une considération dont doivent se soucier leurs confrères du système « libéral ».

 

L’ABSyM est très préoccupée par ce manque manifeste et intentionnel de continuité des soins dans les maisons médicales. À la fin de l’année passée, l’Agence Intermutualiste (AIM)[3] a également appelé à offrir davantage de garanties en matière de qualité et de continuité des soins dans les maisons médicales. Il est donc plutôt logique que cela ressorte maintenant du rapport KPMG également. Un médecin généraliste sur trois (35%) travaillant en maison médicale ne participe à aucun service de garde. À Bruxelles, ce chiffre atteint même 47% ! Nous citons à cet égard un extrait de l’audit : “Quelques maisons médicales de Bruxelles ont indiqué lors des interviews que l'inscription dans le service de garde est bien obligatoire à Bruxelles, mais que l'exécution effective des services de garde ne l'est pas.” [4] Quelle hypocrisie…

 

L’audit de KPMG se penche également plus avant sur la question de la politique de référence des maisons médicales. Le nombre de renvois est peu, voire pas du tout enregistré, de sorte que cela « ne permet d’avoir qu’une connaissance limitée du nombre de ces renvois (tant en première qu’en deuxième et troisième ligne) ».[5] La plupart des maisons médicales indiquent être bel et bien prêtes à enregistrer des renvois dans le futur. D’autres craignent toutefois que cela augmente la charge administrative.

 

L’audit soulève également des questions relatives au financement des maisons médicales. Le forfait qu’elles perçoivent par patient inscrit comble en moyenne 81% des revenus. Chaque année, il est recalculé en fonction des besoins en matière de soins. Mais une marge de sécurité déterminant que le budget d’une pratique ne peut baisser de plus d’1% par an est de mise. En termes de revenus complémentaires, il existe certaines rétributions dans le cadre de Maribel (12%), et divers subsides provenant des communes, des provinces ainsi que des autorités régionales et fédérales (7%). Nous sommes donc face à un cas de concurrence déloyale pour les médecins généralistes actifs classiques ! Aussi étrange que cela puisse paraître, des interventions par des universités ne sont citées nulle part.

 

Notre conclusion est donc sans appel: les maisons médicales voient la médecine générale comme un hamac. Les médecins généralistes qui y travaillent sont plus souvent préoccupés par leur propre confort, bafouent bon nombre d’obligations déontologiques et autres et peuvent compter sur un financement garanti avec une marge de sécurité absolue, qui est encore nourri davantage par les flux d’argent supplémentaires en provenance des communes, des villes, des provinces et d’autres autorités publiques.

 

Tout cela se fait au détriment des médecins généralistes traditionnels qui travaillent dur et gagnent eux-mêmes la confiance de leurs patients, mais se retrouvent concurrencés de manière déloyale par les maisons médicales.

 

L’ABSyM plaide en faveur des médecins généralistes qui, dans la mesure du possible, collaborent également de manière multidisciplinaire, mais pas selon le modèle utilisé dans les maisons médicales. Le statut des confrères médecins généralistes qui travaillent au sein d’un modèle de coopération est moins important mais ils doivent avoir les mêmes droits et obligations que les médecins généralistes qui traitent les autres 96,7% de la population belge.

 

Dr Marc Moens

Président ABSyM

 

P.S. Les médecins de Médecine pour le Peuple ont collectivement refusé de participer à l’enquête. Selon le rapport de l’AIM, ils comptaient en 2016 un total de 23 492 patients dans leur fichier patients. Cela représente 0,2% de la population belge et 6,44% du fichier patients global des maisons médicales en 2016. De là à savoir si leur situation est pire ou moins mauvaise, personne ne peut le dire.

 




[1] Audit relatif à l’organisation, au fonctionnement et à la structure de coûts des maisons médicales, p. xi

[4] Audit relatif à l’organisation, au fonctionnement et à la structure de coûts des maisons médicales, p. 115

[5] Audit relatif à l’organisation, au fonctionnement et à la structure de coûts des maisons médicales, p. X, 87 et 95

 

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