Communiqué de l'ABSyM: La gratuité chez le généraliste: la panacée?

16 avril 2015

« De Morgen » fait état d’une étude commanditée par la Commission européenne qui démontrerait que 900.000 Belges reporteraient leurs soins chez un médecin généraliste (MG) pour raison financière.
La Commission, à l’instar de nombreux politiques et plus particulièrement des mutuelles, cherche des arguments pour détruire la médecine libérale.

Bruxelles, le 15 avril 2015

 

« De Morgen » fait état d’une étude commanditée par la Commission européenne qui démontrerait que 900.000 Belges reporteraient leurs soins chez un médecin généraliste (MG) pour raison financière.

 

La Commission, à l’instar de nombreux politiques et plus particulièrement des mutuelles, cherche des arguments pour détruire la médecine libérale.

 

Il est vrai qu’en Belgique, en particulier, les accords de la Saint Jean (1964) ont permis la coexistence harmonieuse de la pratique libérale avec un financement social. Le politique estime maintenant que cette pratique libérale coûte trop cher et veut (pour employer un euphémisme) la régenter. Nous y assistons depuis de nombreuses années.

 

Précisons d’abord que « médecine libérale » ne veut pas dire inféodation à un parti. Elle signifie que les médecins sont avant tout au service du patient, dans tous les cas avant d’être au service de l’État. De nombreuses professions peuvent être étatisées. Ce n’est pas nécessairement dans un but de maîtrise des dépenses mais, en l’occurrence, en ce qui concerne les soins de santé, ça l’est.

 

Ça ne pose pas nécessairement un problème mais il faut avouer que des professions au service de l’individu ne peuvent devenir des professions au service de l’État sans perdre leur âme ni renforcer les pouvoirs de ce dernier. Sans vouloir être exhaustif, citons les journalistes, les avocats et les médecins. Ces professions au service de l’individu doivent jouir d’une certaine liberté (d’autres parlent d’autonomie mais évitons que les termes ne choquent). Comme toute liberté, celle des médecins n’est pas de faire tout et n’importe quoi mais il s’agit de liberté responsable qui a été promotionnée par l’accréditation. La qualité et l’efficience étant des notions dynamiques, leur promotion appartient à un processus continu.

 

La profession médicale est parfaitement conscientisée à cet aspect des choses. Elle est parfaitement sensibilisée aux problèmes liés à l’accès aux soins de santé ! Elle trouve particulièrement ridicule d’affirmer que la difficulté d’accès au médecin généraliste provoquerait un retard des soins pour 900.000 patients (soit 1 patient sur 12).

 

Si des patients reportent leurs soins, c’est pour différentes raisons, souvent peu liées à la première ligne. Ils savent qu’une consultation chez le MG va entraîner des examens complémentaires… souvent coûteux, des prescriptions de médicaments… parfois onéreux, que certains vont devoir arrêter leur activité, peut-être perdre leur emploi, qu’ils devront affronter de multiples mesures administratives sous des regards souvent malveillants, qu’ils vont entrer dans le monde des malades, qui perdent leur autonomie et la maîtrise de leur destin.

 

Quant à l’accessibilité des soins de première ligne, contrairement aux affirmations calomnieuses des mutuelles, il faut rappeler qu’elle est meilleure que dans n’importe quel autre pays. Pour les OMNIO, le ticket modérateur d’un euro est-il dissuasif ? Le temps nécessaire pour récupérer la somme engagée auprès de sa mutuelle est-elle un véritable problème ? Peu de patients l’expriment en tout cas, même quand on les interroge. Et le cas échéant, à qui la faute ? Aux médecins ou aux mutuelles ?

 

Le tiers payant (TP) n’ôtera d’ailleurs rien au coût des soins de santé pour un BIM. Alors pourquoi tant d’histoires ? Tous les médecins n’appliquent pas le TP, soit, mais les patients peuvent aisément trouver ceux qui le font. En dehors de cette aide à l’accessibilité, de nombreux médecins abandonnent le ticket modérateur pour les nécessiteux, soignent gratuitement, pratiquent un TP en se fiant à leur jugement ou encore proposent le paiement différé. Tout cela échappe aux statistiques des mutuelles mais est bien réel !

 

Il est clair aussi que le TP pour les BIM n’est qu’un ballon d’essai. De nombreuses voix politiques s’expriment pour une extension à tous les actes ambulatoires. Cela ne peut déboucher que sur la capitation avec le patient captif et les profils pour généralistes de tous les soins dispensés aux patients.

 

Le TP ne peut qu’entraîner une explosion des dépenses, peut-être par une accessibilité plus aisée pour les plus démunis mais encore une fois, je prétends que leur accessibilité n’est entravée par rien d’autre que leur méconnaissance du système, dont les pouvoirs publics sont responsables.

 

Cette explosion se répercutera sur les budgets et des mesures de maîtrise des dépenses devront être prises ; ce qui détricotera tout ce que nous avons fait pendant trente ans : revaloriser les actes d’un point de vue financier, augmenter leur qualité (écoute, dossier…) au détriment de la quantité. Le processus inverse est actuellement en route.

 

Les mutuelles nous parlent de report des soins. Il serait naturellement gênant dans un contexte de dépistage et de prévention mais il s’agit seulement d’un délai. 

 

Dans un budget sous enveloppe tel que nous le connaissons, si on augmente une accessibilité futile, ce sera au détriment des interventions vitales ! Pensons au refus de la dialyse après 65 ans, en Angleterre, mais aussi au rationnement des soins dans de nombreux pays du Nord. Ces décisions ont valeur de sentence de mort, sauf pour les riches.

 

Est-ce compatible avec notre éthique ? Ne revenons-nous pas à la pratique du cocotier* ? Pouvons-nous abandonner nos idéaux en faveur d’un pragmatisme qui nous engage dans l’abandon de nos patients ? Dans des pays de régime fort, les médecins résistent mieux que nous à ces pressions.

 

Dr Roland Lemye

Président de l’ABSyM

 

*Pratique primitive qui consistait à faire grimper les vieillards à un cocotier en le secouant. S’ils tenaient bon, ils avaient la vie sauve. Dans le cas contraire, on les achevait.

 

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