Communiqué de l'ABSyM: Avis de l'Ordre du 20.07.2017: coup de soleil par temps pluvieux?
Incompréhensible. Injustifié. Gratuit. Hors de toutes proportions. Hors de sa sphère de compétences. Déontologiquement responsable? Issu d’une concertation avec qui? De toute évidence, pas avec l’ABSyM. Nos membres sont indignés, fâchés et choqués par la proposition non sollicitée relative à la disponibilité permanente des données de santé[1] que l’Ordre des Médecins a rendue publique le 20.07.2017. Nous y lisons que « le libre choix des prestataires de soins mène à une mauvaise qualité ». Cette affirmation est-elle evidence based? Qui a produit, et pour quelle raison, cet avis biscornu et toxique ?
La démarche de l’Ordre prend apparemment sa source dans le constat selon lequel seuls 58,3% des Belges possèdent un dossier médical global (DMG) : 67,3% de Flamands, 47,5% de Wallons et 40,6% de Bruxellois[2]. Quand on sait qu’il s’agit d’un acte qui existe depuis le 01.05.1999, ces chiffres ne sont effectivement pas mirobolants. L’ABSyM soutient et encourage l’utilisation active du DMG. La tenue légalement obligatoire du DMG de la totalité des 11,25 millions de Belges par un médecin « volontairement » choisi par leurs soins va, selon l’ABSyM, beaucoup trop loin. L’Ordre veut également imposer l’obligation légale sur la base de laquelle les médecins généralistes établiraient et tiendraient à jour un Summarized Electronic Health Records (Sumehr) pour tous les citoyens. L’Ordre ne fait pas du tout face aux nombreuses questions restées sans réponse qui apparaissent sur le terrain : qui est responsable en cas de non-consultation d’un Sumehr existant ? Quelles sont, du point de vue juridique, les conséquences de la non-actualisation des données ? Qu’en est-il des erreurs, oublis ou encore du non-signalement d’une exception thérapeutique? Silence total de la part de l’Ordre de ce côté-là mais grand ramdam quand il s’agit de contraindre par voie légale tous les citoyens à une « relation thérapeutique ». Comment une relation thérapeutique peut-elle exister sous la contrainte ? Tous les patients sont accessibles à tous les prestataires de soins, c’est ce que décrète le conseil national. Cela devient dès lors considérablement complexe de respecter le secret professionnel et/ou la loi sur la vie privée. Ou bien l’Ordre met-il tout cela de côté dans le seul but de simplifier la collecte et le traitement des données ? Ajoutez-y l’avis du Conseil supérieur de la Santé de février dernier relatif au dépistage des affections héréditaires[3] et le citoyen de ce pays a vraiment de quoi s’inquiéter. Les professeurs érudits (auteurs de leurs avis – indubitablement bien intentionnés) réalisent-ils que ces avis laissent un goût rance, voire totalitaire ? À plus forte raison quand, parmi ces 11,25 millions de Sumehrs, des petites loupiotes rouges s’allument en cas de patients dangereux ou contagieux. Les hackers doivent saliver à la lecture de ce monstre en devenir.
Le patient reste-t-il central? Pas du tout, Big Brother devient central. Baladé par quelques petits mots doux par-ci par-là, le patient se voit dépossédé de son consentement et de l’autonomie si durement acquise. L’opposition du patient au partage de ses données de santé pourrait en effet « porter préjudice à la qualité des soins et à la protection de la santé publique ». Ah oui, c’est vrai, le professionnel de santé pourrait en effet contracter une grave infection. Selon l’Ordre, les Sumehrs offrent la possibilité de rationaliser les dépenses en matière de soins de santé. L’Ordre va-t-il lui-même s’en charger ? Avec quelle expertise? Cela peut-il se faire de manière déontologiquement responsable à partir de ces données Sumehrs très sommaires ? L’avis du 20 juillet dernier paraît tellement contraire aux précédents avis, pourtant encore récents, qu’il semble provenir d’un nouvel ordre. Jusqu’à aujourd’hui, l’intérêt du contact personnel entre le médecin et le patient, une anamnèse minutieuse et des examens cliniques étaient décrits comme la pierre angulaire de la pratique médicale[4]. Un coup d’œil rapide au Sumehr suffira-t-il bientôt à diagnostiquer, par exemple, un enfant ou un senior mal traité ?
Un drapeau rouge dans un Sumehr ne peut pas non plus résoudre le problème délicat que constituent les agressions à l’encontre des prestataires de soins. À l’issue d’une concertation avec l’ABSyM le 19.09.2016, M. Jambon, Ministre de l’Intérieur, avait promis de transmettre une circulaire aux zones de police pour accorder une priorité absolue aux appels d’urgence des médecins. Le 10 mars dernier, la « concertation au cas par cas » avait été abordée dans une discussion avec le Ministre de la Justice, M. Geens. Mais ce que l’Ordre ose proposer ici est totalement différent.
Le dossier pharmaceutique partagé, via la prescription électronique de médicaments et le schéma de médication partagé, permet déjà aux pharmaciens de surveiller les cas de toxicomanie. L’Ordre des médecins a déjà émis divers avis en rapport avec la fameuse eSanté. Il encourageait l’utilisation d’une plate-forme correctement sécurisée pour le partage de données, soulignait le rôle du médecin dans l’obtention de l’autorisation du patient et conscientise le patient au sujet de la responsabilité qu’il porte en matière d’authenticité des informations fournies[5].
Ce plan d’action global fait-il fî de tout? Durant des décennies, seule l’extrême gauche refusait de payer sa cotisation à l’Ordre. Aujourd’hui, la société civile se demande pourquoi elle continuerait à payer une cotisation à cet Ordre-là ? Qui continuera à cracher sans broncher une cotisation imposée par la loi ? En effet, nous sommes légalement tenus de payer une cotisation à l’Ordre[6], mais pas de suivre ses avis. Ça, notre consœur Maggie De Block, l’a bien compris.
Dr Marc Moens
Président ABSyM
[2] Note CSS 2017/257 audit permanent; rapport standardisé 2016; partie 1; tableau 2.2.5.6.; p. 1.4.16.
[3] Dépistage génétique généralisé en contexte de procréation. Vers une mise en œuvre responsable dans le système des soins de santé;
[5] ibidem
[6] AR n° 79 d.d. 10.11.1967 relatif à l’Ordre des médecins, art. 3, dernier paragraphe
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